FEUILLETER UN AUTRE NUMÉRO
Mois
Année

2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
CHERCHER SUR LE SITE
 
ILS / ELLES
 
LIVRES
 
IMAGES
 
Au fil des jours...
 
Témoignage



Par Georgia Makhlouf
2017 - 05
Je n’ai pas eu la chance de le connaître personnellement. C’est L’Orient littéraire qui nous a permis de nous croiser. De nous rencontrer à une table ronde que j’avais eu l’honneur d’animer. Et d’être assis côte à côte lors de dîners amicaux qui réunissaient l’équipe au moment du Salon du Livre. 

Il fait partie de ces êtres rares qui, même dans des circonstances mondaines ou du moins sociales, ne vous font jamais «?la conversation?». Samir Frangié parle quand il a quelque chose à dire, le dit avec la même qualité de concentration qu’il garde en toutes circonstances, et se tait ensuite pour vous écouter. Ou juste pour rester silencieux, sans aucune gêne, pour lui-même ou pour l’autre en face. Écoute, parole pleine, silence, voilà, très modestement ce que j’ai partagé avec lui. Et si dérisoire que puisse être ce témoignage, il me semble qu’il dit quelque chose d’essentiel et qui se perd aujourd’hui. Aujourd’hui où des millions d’individus se prennent pour des maîtres à penser parce qu’ils ont, grâce aux réseaux sociaux, une audience potentielle immense. Aujourd’hui où tant de paroles ne sont écrites que pour apporter, dans l’instant, quelques secondes de consécration et de gloire virtuelle, et tombent dans l’oubli aussi rapidement qu’elles ont circulé. 

Alors rencontrer une personne qui a consacré sa vie à penser le monde tel qu’il va et à mettre ses actes en conformité avec ses paroles est un privilège. Il incarnait pleinement les valeurs auxquelles il croyait, dans tous les petits détails de la courtoisie et de la politesse, et ce malgré les désillusions et les coups du sort. La politesse, si dévalorisée par les temps qui courent, était d’ailleurs le thème du texte qu’il confia à L’Orient littéraire pour son numéro anniversaire Culture et barbarie et à l’occasion duquel il nous rappelait opportunément, citant cette magnifique phrase de René Girard, que?: «?L’univers démocratique a besoin de politesse. L’égalité crée l’encombrement, et plus un univers est encombré, plus on a besoin de politesse.?» 

Alors même si nos rencontres ont été rares, il reste cela qu’on n’oubliera pas. Parce que porteur de sens, de vérité et d’authenticité, toutes choses qui rendent le monde plus habitable.


 
 
 
2020-04 / NUMÉRO 166