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Poème d’ici



Par Gihan Omar
2015 - 04

Figure montante de la poésie égyptienne contemporaine, Gihan Omar vit au Caire où elle est née en 1971. Après des études de philosophie à l’université portant sur la généalogie des valeurs chez Nietzche, elle se consacre à l’écriture. Son premier recueil Des pas légers (Aqdam khafifa, éditions Charqiyat, 2004) attire déjà l’attention des lecteurs mais c’est avec Avant de détester Paulo Coelho, son second recueil paru au Caire en 2007 (Qabl an nakrah Paolo Coelho, éditions Charqiyat), qu’elle impose sa voix. Accueilli avec enthousiasme par la critique, ce recueil connait un succès notable dans les milieux intellectuels et touche aussi les jeunes lecteurs attirés par la modernité et l’originalité de la voix de Gihan Omar. Son écriture vient développer le poème arabe en prose en y «?captant les détails du quotidien d’une part?» et en y «?(ajoutant) une terminologie puisant ses sources dans la psychologie et théâtralisant des séquences de vie, parfois même des tranches de vie?», souligne Al-Ahram Hebdo. En 2011 paraît aux éditions L’Harmattan une traduction en langue française du recueil Avant de détester Paulo Coelho signée Suzanne el-Lackany.

 

Avant de détester Paulo Coelho 

Espérant que la première dame d’Egypte portera bonheur

On nous a donné nos prénoms

Et nous avons démasqué les idées cachées des pères

Ambitieux

Gihan Kaoud

Gihan Omar

Deux petits mondes

Du siècle passé

La ressemblance des prénoms nous a offert

Un pacte d’amitié désintéressée

En ce temps-là

Nous n’étions pas encore atteintes

De la fièvre de la différence.

(…) Après la démission de mon père

De peur que ne l’avalent les dents des roues des avions

Qu’il ajustait, 

Mon amie et moi nous nous sommes séparées

Et nous n’avons pas réussi à lire les signes

Et suivre leur chemin

L’échange des lettres de silence nous suffisait.

(…) Gihan Kaoud est morte

Parce que son collier de diamant

A brillé dans l’esprit de son voisin

Alors qu’il regardait le soir un film romantique

Son voisin qui passait par une gêne d’argent

Et qui a serré de ses deux mains son cou délicat.

Les romans de Paulo Coelho se sont éparpillés,

Qui étaient rangés sur le piano

– Durant la lutte -

Car les romans n’avaient pas deux pieds

Pour monter sur l’échelle musicale.

 

 

Je ne suis pas un jardin parfait 

Pareille à une fleur

Je laisse les abeilles se poser sur mon visage

Je sens leurs pattes délicates

Foisonner sur mes joues

Je ne bouge plus

J’évite de donner des ordres

A mon corps

Je fête seulement cet instant

En silence

Je les observe

Glissant jusqu’à mon cou

Me piquant gentiment

Elles aspirent mon nectar

Je disparais sous leur désir violent

J’aime mes yeux maintenant

Car leur mouvement confirme mon existence

Et me permet d’en voir encore plus

Venant impatientes,

Les plus audacieuses

Se faufilant vers un passage minuscule

Entre les deux seins

Je rentre tout doucement dans la cuisine, la nuit,

J’ouvre le pot de miel

Avec une fierté cachée…

Je remplis une petite cuillère

Et je commence à me goûter moi-même. 

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166