Par Youssef Ghoussoub
2008 - 10
Quand le poète Youssef Ghoussoub (1893-1972), né à Beit Chabab, publie en 1927 son premier recueil al-Qafass al-mahjour (la cage désertée) d’inspiration romantique, un vent nouveau commence à souffler sur la poésie arabe?: le répertoire est élargi et la prosodie simplifiée. Dans ses recueils ultérieurs, le poète, à qui on doit par ailleurs de belles traductions du français à l’arabe (L’annonce faite à Marie, Le petit prince, Zadig ou la destinée…), se rapprochera du symbolisme et sera salué par de nombreux pairs comme un pionnier.
La cage désertée
Mon cœur est, suite à la mort de l’amour,
Une cage dont s’est échappé le rossignol.
Désert comme la tombe, il ne connaît
Ni désir, ni terreur, ni espoir.
Quand les oiseaux passent près de lui,
Ils baissent apeurés la voix ou s’éloignent.
Ils l’avaient perçu naguère gazouillant
Et dans les chants d’amour s’épanchant.
Les soirs s’enivraient de son ramage
Et ses élégies remuaient les vergers.
Les oiseaux semblaient lui faire écho
Et reprenaient ses improvisations.
Passionné dans son chant au point de paraître
L’envol d’une idée en feu.
Les fleurs en étaient éprises et à l’aube
Leurs parfums lui amenaient des messagers
Ou des papillons qui, chargés
De transmettre les secrets de l’amour, s’exécutaient.
La fête revient et voici son soleil
À l’ombre de ses jardins les nombreux baisers
Renversés, indécis et rétractiles
Toutes les fois que passe la brise?;
Ils voient dans la cage vide
Un paysage à drainer les larmes
Essaim d’âmes sans attachement,
Ils se ruent sur elle de haut
Trouvent l’amour en errance
Et sa cage triste et à l’abandon.
Ô toi qui cries, est-il un retour
Qui nous ramène le premier âge??