Par Etel Adnan
2008 - 02
Etel Adnan est née à Beyrouth en 1925. Poète et écrivain bilingue (anglais/français), elle est surtout connue pour son roman Sitt Marie Rose sur la guerre libanaise et pour ses poèmes, notamment Apocalypse arabe et Beyrouth express enfer. Elle est également peintre et a exposé aux États-Unis, en Europe et dans le monde arabe.
Jamais l’Indien n’a eu de chevalÂ
La certitude de l’Espace me vient
d’un vol d’oiseaux. Il
fait gris dehors et quelque chose tremble :
le mot brouillard pèse de trop.
* * * *
Le gardien de zoo envoie ses lettres
d’amour à la maire femme de
San Diego
La lionne dans sa tanière s’est évanouie
un premier avril
il s’est pendu dans
sa cage.
* * * *
Une abeille s’est éprise d’une fleur
de pêche. Shakespeare a écrit une
histoire là -dessus.
* * * *
Geronimo est un vieux nom italien.
Ses ancêtres ont pris Damas,
ses petits-fils la ville de Jerome,
en Arizona.
Il a échoué Ã
Denver et fait voler des cerfs-volants
au-dessus des rizières
au Vietnam.
* * * *
Il n’y a aucun bateau sur la
Rivière et la beauté du monde
est aveuglante. Trois astronautes
sont sur le chemin du retour. Dans le
jardin une seule feuille tremble.
* * * *
Des os de sa mère il a tissé
un collier parce que les chevaux
viennent d’Espagne. Il a traversé
le pays comme un sabre.
* * * *
les étoiles elles-mêmes se sont un jour
faites soldats
Isis pleura le ciel
vide.
* * * *
Seuls les morts sont vivants de
nos jours. Permettez-moi de penser
que les cimetières sont des salons de thé. Apportez
un seau de craie blanche et quelques pépites
d’argent. Le dîner sera servi
froid.
…….
* * * *
L’Indien est venu masqué.
Il a de la poussière sur les os.
Ses doigts manquent.
Il ne peut plus compter les morts
de la tribu.
* * * *
Les souvenirs passent comme les nuages
qui précèdent l’extase
et la douleur
Fêtons la dix-septième
année et l’éclipse
de la lune
le sang éteint les incendies
et les rêves s’évacuent.
* * * *
Du haut des chutes Yosemite
l’Indien crie : « Je suis
les eaux de la Vallée ! »
Du fond des Andes
le vent répond
comme les étoiles.
* * * *
Autrefois ma mère se nourrissait de fleurs
et embrassait les hommes. Je compte
les oiseaux qui partent pour
le Sud. Le sang coule,
quelque part, plus rapide qu’une tornade,
parce que Bob et Jim sont mes
amis.
* * * *
Si nombreuses ont été les aubes
au-dessus des champs
que nous avons pensé éternel est
le monde
Ô Pluie
Ô Lumière du jour
patientez un moment !
– je plonge vers
demain
et quitte
cette journée et cette heure.
…..
* * * *
Ne me parlez pas des anges
si vous ne voulez reposer Ã
leur côté sur la surface
du Lac d’Émeraude
et vivre à tout jamais
les yeux ouverts.
Mes anges prennent bien des formes
aujourd’hui ils sont arbres.Â