Par Iskandar Habache
2007 - 01
Né en 1963 à Beyrouth, Iskandar Habache est l’un des meilleurs poètes libanais arabophones de sa génération. Critique littéraire au quotidien as-Safir, il a publié plusieurs recueils de poèmes (dont Une demi-pomme, 1993 ; Je plains l’automne, 2002 ; Quelques pointes de nuit, 2003), des essais (Éloge de l’invisible, 2003) et des récits de voyage. Il a traduit et présenté un grand nombre de poètes français, dont Reverdy, Guillevic, Char, Ponge et Lionel Ray.
1. Exercice
Peut-être aujourd’hui étais-je
cet autre
qui
n’a pas envie de rire
Peut-être aujourd’hui étais-je
cet autre
qui
n’a pas envie de pleurer
Ou
Peut-être étais-je encore le même
et pourtant
je n’ai pas envie de rire
peut-être étais-je encore le même
et pourtant
je n’ai pas envie de pleurer
l’affaire assurément
n’est pas une question de même et d’autre
ni une affaire de rire
ni une question de pleur
Seulement
il arrive que tu te réveilles un jour
tu sens qu’il est impossible
d’être toi
il arrive que tu te réveilles un jour
tu sens qu’il est impossible
d’être un autre
il t’est difficile de rire
ou de pousser à rire
et
il t’est difficile de pleurer
ou de pousser à pleurer
Il arrive que tu te réveilles
tu n’es pas un autre
il arrive que tu te réveilles
tu n’as pas l’âge
de cette vie
Seulement il arrive
parce qu’il faut qu’arrive quelque chose
dans cette vie.
2. L’automne
Ne savais-tu pas que le présent
n’est qu’un nuage
et que tu ne verras plus après ce soir
aucun des mouvements de ces siècles
Ne dis pas
que tu as le temps
la nuit est plus étroite que tu t’imagines.
Dans un instant
tombe l’heure de la séparation
Écoute ces arbres
quelqu’un agite le sommeil
c’est l’automne.
3. Souvenir
Personne ne se souvient de la nuit
ne se souvient du récit
ou des larmes de détresse
personne
Ils sont là -bas
et c’est toujours l’automne
ils sont là -bas
sommeil du souvenir.
4. Minéral
Quand tu arraches la blancheur de midi
laisse passer le désir
Que fais-tu de ce minéral
qui te suit ?
Inédits de Iskandar Habache
Poèmes traduits de l’arabe par
Jean–Charles DEPAULE