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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poème d’ici
Les moissonneurs


2006 - 12

Poète et rédacteur en chef de la page littéraire du journal al-Hayat, Abdo Wazen est né en 1957 à Beyrouth. Il a publié à ce jour six recueils de poèmes dont La Forêt close, 1982, L’œil et l’air, 1985, Les portes du sommeil, 1996, et un récit érotique, Le jardin des sens, interdit par la censure. Il est aussi l’auteur de trois essais sur le poète soufi arabe el-Hallaj, Jean de La Croix et Thérèse d’Avila.

 

Les moissonneurs

Ils ne regardaient pas leurs ombres déployées derrière eux, ils se penchaient légèrement puis levaient leur visage, l’or diurne ne les consumait pas.

Le fleuve les traversait comme à son habitude, il saisissait leurs regards soumis à une forêt inconnue.

Ce sont les moissonneurs, fils des champs et du soleil. Ils n’ont pas le temps de beaucoup rêver, pas le temps d’embrasser les arbres et leurs ombres, pas le temps de chasser les nuages qui traversaient leur ciel.

Ce sont les étrangers sans demeure où  retourner. Ils pratiquent le silence et la soumission, leurs mains luisent comme le cristal et de leurs habits se dégage l’odeur d’une fatigue ancienne.

Ce sont les moissonneurs, fils des champs et du soleil, qui, si le sommeil les surprend, s’endorment les yeux ouverts, de crainte que le fleuve ne les entraîne à l’abîme dont ils redoutent le froid.

Ce sont les moissonneurs rares comme les anges, celant le ciel dans leurs paumes. De leurs corps s’exhalent les ombres de l’éternité et dans leurs regards s’éveille la soif de la terre.

Les moissonneurs que les saisons ont devancés à leurs solitudes. Personne pour leur tracer le chemin, personne pour les réveiller de l’évanouissement du fleuve, personne pour essuyer de leur visage l’onde de la mélancolie.

 

Inédit de Abdo Wazen

 
 
 
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