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Poème d’ici
Tu n’étais pas sur le seuil de la nuit ce jour-là


Par Sabah Zouein
2017 - 03

Sabah Kharrat Zouein est une poète libanaise née en 1955. Son œuvre innovante s’articule autour de trois axes : la langue, le temps et l’espace. Sabah Zouein a écrit ses premiers recueils en français puis les a traduits en arabe. Ses recueils de poésie suivants seront désormais tous écrits en arabe. Elle est également l’auteure de quatre anthologies (en arabe, en espagnol et en français) sur la poésie libanaise contemporaine. Traductrice polyglotte maîtrisant six langues, critique de littérature et de cinéma, sociologue et globetrotteuse, elle a travaillé comme journaliste pour An-Nahar (Liban) et Al-Hayat (Grande Bretagne), et pour des magazines comme Banipal (Londres), Le Supérieur inconnu et Aujourd’hui Poèmes (Paris), Al-Jadid (États-Unis), Kalimat (Australie) et Al-Hucema (Espagne). Sabah Zouein est décédée en juin 2014. Son œuvre fondamentalement originale et audacieuse dans le paysage poétique arabe contemporain est saluée dans le monde entier.

 

Tu n’étais pas sur le seuil de la nuit ce jour-là

 

Tu n’étais pas sur le seuil de la nuit ce jour-là ; ou le moment n’était pas de nuit lorsque tu t’es questionnée au sujet de ton nom et de ta signification, toi tu accueillais le bleu du matin dans la fenêtre, ou dans ta fenêtre tu façonnais le mot et l’expression et la lettre toi tu l’as façonnée et tu ne l’as pas façonnée, toi qui as aussi beaucoup trébuché parce qu’au plus profond tu as creusé, ou beaucoup tenté, et la tentative au sommet de l’accomplissement, puis c’est aussi comme si tu n’avais rien écrit, toi l’abondante et toi la rayonnante de lettres et de mots, c’est comme si tu et parce que tu n’as rien fait encore, comment ce mot qui te revient tout comme s’il n’avait jamais été, comment alors que tu es en train de chercher, ou que tu persistes dans la recherche et tes lettres entre tes mains s’embrasent de tous leurs feux, celle-ci est main de lumière et la main d’or est celle lorsque tu écris et tu n’écris pas, puis tu t’endors sur le rebord de la page, c’est le rebord de la fenêtre et les murs, ou le bout de chaux est celui vers lequel tu appuies ton corps, et je t’ai vue comment dans la blancheur tu t’es absentée à l’infini, et dans la blancheur du temps s’est absenté de toi le langage et tu ne lui as pas trouvé de substitut, comment écrire quand le lieu reste perdu, toi lorsque sur le seuil tu es restée entre le-là et le là-bas, et tu n’as pas compris, ou comment te serait-il donné d’assimiler le morcellement du temps, il s’agit de ton temps, entre le miroir de la chambre et la blancheur du mur, qui, ce mur-là et à lui tu as accroché tes cassures, ou c’est parce que tu regardais toujours vers l’extérieur, toi qui toujours entre l’extérieur et l’intérieur, et tu n’es pas encore morte.

 

Poème traduit de l’arabe par Ritta Baddoura 

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166