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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poème d’ici



Par Nadine Ltaif
2018 - 07

D’origine libanaise, Nadine Ltaif vit à Montréal depuis 1979.  Poète et traductrice, elle a publié plusieurs recueils de poésie aux éditions du Noroît (Canada) parmi lesquels Les Métamorphoses d’Ishtar (1987), Entre les fleuves (1991), Le Livre des dunes (1999), Le Rire de l’eau (2005) ou encore Hamra (2014). Nadine Ltaïf a collaboré à de nombreuses revues littéraires canadiennes et européennes et codirigé la revue Tessera. Elle travaille à la production de films avec la compagnie Nadja Productions.

 

Je partais pour le Caire

vers la misère du Nil

et la poussière regarde

et les estomacs rétrécissent

vers les plaies ma Dame

ou bien encore la faim.

Comment savoir comment comprendre

que la faim 

je l’ai portée en moi

et  le peuple d’Égypte c’était moi

j’avais faim

je refusais de manger

je refusais de voir les rues du Caire

et ces foules grouillantes et amaigries.

 

Je fuyais vers toi 

ô Montréal

l’hiver

l’hiver ne m’épargnait pas non plus

alors j’ai vu

comment circule le sang dans une terre glacée 

car le feu ne s’éteint pas 

mais l’acier moule son corps 

– l’acier ne fond pas

l’hiver – âge de fer – ressemble à la dureté

de la ville 

et j’observe la lune

et la lune parfois

est méchante avec vous. 

 

Alors j’ai lu, à la manière de Shéhérazade,

« tous les livres », et les poètes, les historiens,

et les peuples anciens, les légendes, les contes,

les mythes, pour retrouver des bouts de ma mémoire 

passée, car elle était mutilée, ou détruite

par les bombes ou bien encore

en ruines,

 

et alors – c’est alors que s’ouvrent les portes

de mon labyrinthe, de mes temples, et mes plaies,

et mes blessures, celles du cœur, là où monte le Nil, 

où se fissurent les murs qui me protègent,

mes carcasses et mes armures de fer, de cet âge de 

fer qui s’écaille par endroits et je fleuris.

 

Poème extrait de Métamorphoses d’Ishtar de Nadine Ltaif, éditions du Noroît, 1987. 

 
 
© Hejer Charf
 
2020-04 / NUMÉRO 166