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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Les archives de L’Orient Littéraire
Dans L’Orient Littéraire du 2 mars 1963, le grand poète Saïd Akl nous livrait un texte sur la naissance de Pythagore à Sidon, traduit de l’arabe par l’écrivain francophone Hector Klat. Extrait choisi.

2007 - 03
Tu l’as connu dès ton premier âge, sur les bancs du collège, grâce au théorème qui porte son nom. Il t’accompagne, tout le long de la vie, si tu es un homme cultivé. Il est l’une des cimes de l’esprit. Platon l’honore comme nul autre et Aristote parle de lui avec vénération. Philosophe, mathématicien, astronome, musicien, prêtre, inventeur et politique. Toutes les religions, nées après lui, lui sont redevables comme est son débiteur tout système philosophique, artistique ou social. Son père était l’un des principaux joailliers de Samos, perle des îles ioniennes, et sa mère avait nom Parthénice. On raconte que le jour de leur mariage, ils se firent tirer leur horoscope par la prêtresse de Delphes qui leur prédit que d’eux naîtrait « un enfant qui serait un bienfait pour toute l’humanité et pour tous les temps », à condition que le mari ne connût sa femme que dans la plus belle ville, métropole du goût et de la pensée, capitale du monde. Puis, les lèvres de la prêtresse s’ouvrirent sur le nom de la ville et prononcèrent : Sidon. Ce fut une admirable lune de miel qui s’écoula pour les époux sur la Méditerranée, cette mer qu’ensemençaient de somptueuse élégance les nefs des hardis Sidoniens. Atteinte Sidon, il sembla aux mariés, qui avaient jeté l’ancre dans l’un des quatre ports, qu’ils étaient deux êtres ensorcelés. Sidon était deux bouquets de blancs édifices : l’un jeté à la mer, l’autre accroché au rivage. Et le Liban, avec sa végétation touffue chargée d’essences, semblait un cadre de verdure entourant les deux bouquets. On conte que la jeune épousée, éblouie par les beautés de la ville, n’attendit pas d’être reposée des fatigues de la traversée pour se délecter à la vue de monuments dont la visite était l’objet des songes de tous les peuples. Le jour même, elle fit le tour des grands magasins et s’acheta quatre robes, deux bagues et un collier de perles. Elle assista, au Grand Théâtre, à un drame sur La mort d’Adonis, visita le temple d’Eshmoun sur la colline, se baigna sur la plage, invitée par la fille du président du Conseil des notables, dansa dans une boîte de nuit creusée dans le roc et, au bout de la nuit, avant l’adieu des étoiles, elle entendit le huitième chant de L’Odyssée, récité par un aède qui, auparavant, donna un aperçu sur Homère. Quand, après un long sommeil, Parthénice se réveilla, le lendemain, passée l’heure de midi, elle demanda à son mari : « Vivons-nous un songe ? » et, rougissante, ajouta : « Que dirais-tu si nous appelions l’enfant : Sidon ? » Le songe dura des mois. Entre-temps, dès le septième mois, ils louèrent une maison au quartier des Jardins suspendus, situé sur les hauteurs, où avaient leurs résidences les riches Sidoniens et ceux qui, des colonies prospères, venaient visiter la métropole. C’est là que naquit l’illustre Pythagore…

Saïd Akl
 
 
 
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