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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Tu quoque mi fili !


Par Alexandre Najjar
2011 - 09
Nous ne ferons pas comme l’inénarrable Yann Moix qui, dans sa chronique du Figaro, éreinte le dernier roman d’Amélie Nothomb sans l’avoir lu (triste époque où les critiques littéraires jugent ex nihilo !)… Le livre en question, intitulé Tuer le père, est aussi bref que Vingt-quatre heures dans la vie d’une femme de Stefan Zweig qui, lui aussi, met en scène un fascinant jeune joueur. Mais la comparaison s’arrête là. Dans un style simple, concis, émaillé de dialogues et truffé de trouvailles (comme cette « virginité florale » !), Amélie Nothomb nous raconte l’histoire de Joe qui, chassé par sa mère, est hébergé par un couple bizarre, en apparence uni, accro au LSD : Norman Terence, un célèbre magicien, manipulateur de cartes, et la sublime Christina, une ancienne hippy convertie en fire dancer. Peu à peu, Norman initie Joe aux ficelles du métier. L’adolescent est doué. Il apprend vite, trop vite, mais au lieu de se montrer reconnaissant à l’égard de son mentor, il ne songe qu’à le « punir » en lui volant sa femme et en exploitant ses tours de magie pour tricher au casino ! Le garçon « tue » – au sens psychanalytique du terme – son père adoptif et fricote avec sa « belle-mère » ; il tourne mal et se retrouve croupier à Las Vegas. Norman souffre évidemment de cette trahison, jusqu’au jour où il comprend que ce qui motive son protégé, c’est moins cette volonté de le « tuer » que le désir de rester fidèle à un pacte conclu avec un autre homme, son « père spirituel » – celui qui, le premier, lui a accordé sa confiance !

Amélie Nothomb a un talent incontestable. Dans une langue limpide – malgré un usage inhabituel du subjonctif présent avec le passé et des tirades « philosophiques » superflues (pp. 45, 75, 85, 86, 89, 91)  –, elle réussit à rendre crédible son histoire pourtant farfelue et à bien camper ses trois personnages dans un décor américain qu’un John Steinbeck n’aurait sans doute pas désavoué. Son roman se lit d’une traite, n’en déplaise à Yann Moix. Pour tuer l’ennui, un conseil : Tuer le père !

 
 
© Sarah Moon
 
BIBLIOGRAPHIE
Tuer le père de Amélie Nothomb, Albin Michel, 2011, 150 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166