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Sollers entre profane et sacré
Initiation à la lecture de toute l'œuvre de Philippe Sollers, Discours parfait est une mosaïque d’érudition, qui discipline dans la dispersion ce que peut être ce fascinant romancier, essayiste, éditeur et fondateur des revues Tel Quel et L’Infini.

Par Rita Bassil el-Ramy
2010 - 02
Le dernier livre de Philippe Sollers, Discours parfait, est un recueil de critiques littéraires où défilent, dans un désordre alphabétique et chronologique, les plus grands noms du panthéon littéraire exhumés dans le parfum des fleurs.

L’entrée en matière est donc consacrée aux fleurs dans une étude presque académique partant de son entrée historique en France, via la Hollande. Rose, orchidée, lys… Lys maudit, lys sacré, accompagnateur de l’annonce faite à Marie, lys emblème du royaume de France avec Philippe Le Bel… De Yahvé à Appolen (dieu crée par Sollers), le lecteur apprend le fonctionnement sexuel reproducteur des fleurs et, guidé par l’acuité de l’analyse, replonge dans l’histoire littéraire. Du Cantique des Cantiques à Joyce, en passant par Guillaume de Lorris (le Roman de la Rose) et par l’amant de la Rose, l’audacieux Dante, « Fidèle d’Amour », buvant « avec les yeux » les fleuves de la mort. Ronsard, La Bruyère, Shakespeare, Omar Khayyam, « l’un des esprits les plus libres de tous les temps », Voltaire, Rousseau, « l’inventeur d’instants », Mallarmé, Baudelaire, Beckett, Proust, ce « moment d’éternité » dans la métamorphoses des senteurs, dans la « virulence printanière » de ses intermittences, dans les jardins des intenses émotions où l’auteur de La Recherche « se lance dans une incroyable démonstration d’érotisme floral ».

« La Connaissance comme salut » part d’une série de questions que posent François Meyronnis, et Yannick Haenel. Le point de départ est une métaphore du savoir, la découverte en 1945 à Nag Hammadi, en Égypte, des textes enfouis probablement au IVe siècle et qu’on croyait perdus. L’exhumation de ces gnostiques s’inscrit dans un temps précis qu’est la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début d’une nouvelle période. Une halte temporelle et philosophique se fait par le biais des évangiles. Halte stylistique, qui traite de l’emploi du présent dans l’incarnation comme Parole « le commencement est le Verbe », célèbre formule de Jean « qu’il ne faut jamais mettre à l’imparfait, toujours au présent ». Dans la continuité des évangiles selon Sollers, la partie « Sacré Jésuite » salue l’« insolite et insolent » Baltazar Gracián. Le Héros n’est pas le Prince, qui « n’est l’homme d’aucune communauté, d’aucun parti, il s’exerce, il se protège, il est d’une audace avisée ou d’une intelligence intrépide ». Ce Garcián, quoique jésuite, participe par ces traités au mouvement de contre-réforme catholique qui engendre, après le Concile de Trente, le baroque. Sollers bascule ensuite dans les métamorphoses d’Eros, des Secrets sexuels, de l’érotisme de Baudelaire du « Sexe et des Lumières », et appelle à un retour au XVIIIe siècle dans « Rallumons les Lumières » où il constate que « les Français vont mal parce qu’ils n’aiment pas leurs Lumières ».

Enfin, parmi les réflexions menées, une place importante est accordée à l’antisémitisme dont « l’ histoire latente n’a pas été surmontée ». La raison ? L’ignorance. Sollers déplore la confusion entre l’être juif et l’État hébreu, « il me semble qu’à la faveur du conflit israélo-palestinien, quelque chose comme l’ignorance resurgit ». Une mauvaise lecture du conflit, mais aussi une ignorance totale de la Bible dont Sollers prêche la lecture comme point de départ de l’histoire occidentale, dans le sens qu’en donne Hemingway où la littérature – sacrée dans le cas de la Bible – n’est qu’un « baromètre » de l’état historique.

 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Discours Parfait de Philippe Sollers, Gallimard, 918 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166