«Entre deux mots, il faut choisir le moindre. » C’est en s’inspirant de ce précepte de Paul Valery que Rachel Ltaif a composé son recueil d’aphorismes qui vient de paraître aux éditions de la librairie Antoine sous le titre : Personne ne grandit, avec un avant-propos magistral de Richard Millet. Des noms prestigieux se sont distingués dans ce genre : La Rochefoucauld, Chamfort, Joubert, Cioran ou, au Liban, Salah Stétié, auteur des Carnets du méditant – Georges Schéhadé, adepte de la concision, préférant pour sa part opter pour une Anthologie du vers unique. Il n’était donc pas facile pour Rachel Ltaif de « jouer dans la cour des grands ». Et pourtant, le recueil de cette spécialiste d’Henri Michaux se défend si bien qu’on le referme à regret. Ses aphorismes, percutants ou ironiques, sont autant de trouvailles qui donnent à réfléchir – ou à sourire. Avec poésie – « La pensée réduite à l’essentiel sous forme de maxime ou d’aveu n’est pas si éloignée de la poésie », nous rappelle Stétié –, elle nous livre ici des réflexions profondes, parfois provocatrices, qui nous révèlent des vérités insoupçonnées : « On n’est jamais impartial, même dans l’indifférence » ; « Un homme n’est heureux que dans les souvenirs de sa vie secrète » ; « Un arbre se tait parce qu’il a compris que la vie est une affaire de silence éveillé » ; « On ne pardonne pas, on méprise »… Certes, tous les aphorismes ne sont pas d’égale valeur – c’est la loi du genre. Mais l’ensemble confirme bien le talent de Rachel Ltaif qui témoigne là d’une bonne maîtrise de la langue française et d’une maturité certaine – celle des êtres qui ont beaucoup vécu et réfléchi. Qui a dit que « Personne ne grandit » ?