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Tara Chace en James Bond girl


Par Toufic SAFIÉ
2008 - 07
"James Bond girl "  aurait désormais un nouvel attributaire, inclassable parmi les autres beautés – aussi sensuelles que secondaires – des œuvres de Fleming. Son nom est Tara Chace. Membre des « Minders », une section spéciale du Secret Intelligence Service britannique (SIS), elle est le superagent des missions impossibles. Qu’il s’agisse d’assassiner un général russe trafiquant d’armes au Kosovo, localiser des documents cachés au Kaboul des talibans ou poursuivre un contact de Rome au Caire, Tara Chace, alias « Minder 2 », est – pour le bonheur des plus féministes – la femme de la situation. Femme fatale mais nullement secondaire, elle est le personnage principal que Greg Rucka a choisi pour Queen & Country ; série bondienne qu’il a voulue très personnalisée.

Inspiré par une série télévisée britannique des années 70, The Sandbaggers, le créateur – américain – de Q&C dépeint avec autant de talent que de souci pour le détail, un monde d’espionnage international où collusion, assassinat et déception sont des moyens de subsistance, aussi essentiels que quotidiens. D’un chapitre à un autre, on a l’impression de plonger dans des fichiers secrets pour découvrir les vies – et morts – d’agents qui, lorsqu’ils ne sont pas « sur le terrain » ou dans l’« OPS Room », ressentent la lourdeur de mener des vies parallèles. Dans  Opération Morningstar  (ou Étoile du Matin  pour les plus francophones), Tara, affectée sans jamais le montrer, par une mission d’assassinat doit, sous l’ordre de son supérieur, assister à des sessions psychiatriques obligatoires à la « Departed ».

Dans un contexte contemporain de guerre contre le terrorisme, sans pour autant se perdre dans la question de son blâme – ni son éloge –, les événements de Q&C sont imprégnés, grâce à une documentation précise au point d’inquiéter parfois, de traits factuels qui rehaussent le réalisme des missions et valorisent l’actualité des intrigues.

Ainsi, dans Opération : Crystal Ball, un « minder » est parachuté au nord de l’Irak pour localiser et disposer d’une cible soupçonnée d’être un certain « Imad Mugniyeh ». Évidemment, la suite des péripéties maintient subtilement le sort de la mission dans l’obscurité. Sage décision par Greg Rucka, qui ne pouvait deviner, en écrivant son œuvre, que Damas offrirait une autre version quelques années plus tard.

Entre 2001, date du premier numéro, et 2007, fin officielle de la série, 6 dessinateurs se sont succédé, et parfois entraidés, pour illustrer le monde d’espionnage créé par Rucka. Le résultat est une évolution simultanée de style et de scénario. Le processus de développement des personnages et leurs caractères sont visibles au fur et à mesure des volumes ; la Tara Chase un peu enfantine de l’Opération Broken Ground  (ou Terre Brûlée) est bien plus sophistiquée et sensuelle à partir du troisième volume.

Saluée par le prix Eisner remporté en 2001 et par les critiques un peu partout comme série d’espionnage de calibre international, Queen & Country garantit suspens, intrigue et jeux interdits. Concentré explosif, surtout quand quand il est préparé par une femme qui tient une cigarette dans une main, et un Magnum dans l’autre.


Queen & Country Definitive Edition, V.1 de Greg Luca, Oni Press, 2008.
Version française : Opération : Crystall Ball, Akiléos, 2008.
 
 
 
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