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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Roman
Du noir rocambolesque


Par Zéna Zalzal
2007 - 08


Yann Queffélec l’a toujours proclamé?: «?J’ai tout pour plaire et tout pour déplaire.?» Une affirmation qui s’applique parfaitement à son dernier livre, Le plus heureux des hommes, qui n’est manifestement pas le plus heureux de ses romans?! Et pourtant, malgré l’écriture chargée – pouvant atteindre dans certains paragraphes les confins du charabia –, il y a quelque chose d’imperceptible qui vous tient en haleine tout au long de la lecture de ce roman noir rocambolesque.

Tout commence par une disparition. Anja, la blonde musicienne d’origine polonaise, quitte Julius, brillant professeur à la Sorbonne et fils à maman trentenaire. Effondré, ce dernier va tenter de faire son deuil de la relation. D’autant qu’il est persuadé qu’Anja est morte. L’inspecteur Blaise à qui il a confié ses craintes ne les dément pas. Tourmenté par un sentiment sourd de culpabilité, harcelé par une mère abusive, frustrée et méchante, ainsi que par une admiratrice folle, qui du fin fond de son asile lui envoie des lettres d’amour, et par une collègue, vieille fille vipérine, Julius vit un cauchemar. Lorsqu’un an plus tard, il croit voir réapparaître... la revenante, il sera bien loin de se sentir «?le plus heureux des hommes?».

Un suspens plutôt bien exploité qui attise chez le lecteur la curiosité nécessaire pour avancer dans ce qui peut ressembler à une jungle littéraire?: des tirades labyrinthiques, des figures de style parfois tellement recherchées – paradoxalement dans l’utilisation de l’argot – qu’elles en deviennent incompréhensibles, une profusion de détails inutiles, notamment dans un premier chapitre à la lecture épuisante.

Sauf qu’une fois dépassées les premières pages, le lecteur est arrimé et se laisse porter par l’entrée en scène de personnages plus loufoques les uns que les autres. Une habile galerie de portraits qui donne toute sa saveur à ce roman au goût étrange, indéfinissable.

C’est justement dans ces personnages à l’hérédité chargée et qui sont tout sauf tièdes, que l’on retrouve la marque de cet auteur, qui avait, rappelons-le, remporté le prix Goncourt en 1985 pour Les noces barbares. Depuis le succès – inégalé – de cet émouvant cri d’amour d’un enfant du viol haï par sa mère, Yann Queffélec a continué à distiller dans la plupart de ses romans (à l’instar de Boris après l’amour) quelque chose qui ressemble à une rancune larvée vis-à-vis des liens familiaux parfois bien trop pesants. Mais tout cela reste, du moins dans ce dernier livre, enrobé d’une apparente désinvolture, qui en fait une sorte de polar farfelu. Même s’il laisse échapper des accents de compassion envers la condition humaine...

Bref, une lecture qui se révèle à la fois agaçante et prenante. À conseiller à ceux qui ont du souffle?!


 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Le plus heureux des hommes de Yann Queffélec, Fayard, 341p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166