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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Roman
Un parfum de nostalgie


Par Edgar DAVIDIAN
2007 - 01


On ne réussit que ce que l’on aime... Recette qui s’applique  bien aux ingrédients utilisés par un romancier ! Car comment réussir une œuvre si on s’éloigne de ce qui nous tient à cœur ? Et la fiction n’est-elle pas la meilleure revanche sur une irritante réalité ? Formule magique que Frédéric Vitoux, auteur d’une vingtaine d’ouvrages couronnés par d’importants prix et éminent « immortel » élu au fauteuil numéro quinze de l’Académie française, semble cultiver amoureusement. Avec Un film avec elle, il se penche, en toute sincérité et franchise, sur des thèmes chers à son cœur : le cinéma, la littérature, l’amitié, l’amour (excessif !) des chats, la fascination pour les grandes comédiennes, l’Italie, Paris dans ses quartiers heureux et préservés... Pour Dominique Fernandez, il s’agit là « du meilleur Vitoux, élégant, mélancolique, un rien crépusculaire... » Un livre, de toute évidence, placé sous le signe de la nostalgie. Avec, en exergue, cette citation de Valéry Larbaud : « Essayer de tout voir comme démodé et périmé est d’abord une souffrance, mais ensuite un réconfort, pour l’esprit. »

De quoi parle Un film avec elle ? Synopsis bien simple, cimenté par l’amitié et le mystère d’une femme vieillissante, pour s’entretenir, en savoureuses considérations, analyses et entretiens de tous les jours, des nombreux thèmes cités plus haut. Deux amis, Pierre et Marco, l’un écrivain, l’autre cinéaste, guettent Louise Dupré, une star sur le retour qui fait la coquette. C’est pour Vitoux l’occasion de brosser un beau portait de femme et d’aborder l’énigme de la séduction. De dérobade en chichi, de silence obstiné au téléphone en voyages impromptus, l’ex-diva va faire fantasmer, avec un art consommé, metteur en scène et scénariste. Pendant ce temps, entre deux mondanités de la Ville lumière, entre deux déjeuners dans des restaurants chics, entre un concert de piano d’Evgueny Kissin et les nouvelles évoquant Bush, l’Irak et la Palestine, les deux hommes palabrent. Propos faussement anodins où défilent les paysages de l’Île Saint-Louis, la chaleur de la rue Saint-Benoît, les préoccupations (un peu exagérées il faut en convenir !) pour des chats qui s’appellent Tamerlan et Othello, commentaires sur le sport ou sur la « kermesse de la Gay Pride »... Le lecteur ne reste pas insensible à la voix juste d’un auteur au style fin, à la langue admirable, aux dialogues subtils, sans emphase ni sophistication, pour évoquer un univers feutré et un peu distingué, comme un proche parent des atmosphères « saganiennes », mais en plus étoffé, en plus consistant, moins exclusivement centré sur les intermittences du cœur. Un univers où l’on apprécie la bonne chère et les formules réussies. Un univers où dominent aussi les derniers éclats d’une comédienne, incurablement capricieuse, pas tout à fait guérie de l’art de séduire ; un univers, surtout, hanté par l’inlassable quête de réussir une belle œuvre. Un beau film pour le cinéaste, un beau sujet pour le scénariste. Et, pour Frédéric Vitoux, un beau roman !

 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Un film avec elle de Frédéric Vitoux, Fayard, 2006, 313 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166