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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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La victoire du prof


Par Edgar DAVIDIAN
2006 - 12

Naît-on avec une vocation d’écrivain ? Sans doute si l’on se réfère aux écrits de Frank McCourt, cet Irlandais qui a fait pleurer et rêver bien des lecteurs en racontant les tribulations de sa vie. Son premier roman, Les cendres d’Angela, a obtenu le prix Pulitzer en 1997 et inspiré à Alain Parker un beau film où l’Irlande, entre rigoureux protestantisme et farouche catholicisme, revit les années 30. Des années de plomb pour les McCourt avec un cortège d’images sombres où chômage, faim, phtisie, enterrements, flopée d’enfants dans le froid de la misère sont autant de combats terribles dans une vie placée sous le signe de l’adversité. Sans oublier l’humour et l’esprit irlandais dont Frank McCourt se fait le fier et brillant porte-drapeau...

Nul ne prédisait un succès aussi retentissant à ce retraité qui,  à l’âge de soixante-six ans, décide de publier ses Mémoires. Né à Brooklyn en 1930, Frank McCourt part pour l’Irlande natale de ses parents à l’âge de quatre ans. Il ne tarde pas à refaire le chemin inverse et à s’installer à Manhattan, bien déterminé à vivre l’ « American Dream », ce rêve américain qui fait chanter et déchanter tant d’immigrés de tous les horizons de la planète. De cette expérience, il tire le deuxième volet de ses Mémoires, éloquemment intitulé C’est comment l’Amérique ?  Cours du soir, divers métiers (pas des plus intéressants, car ici on prend, sans états d’âme ni orgueil déplacé, ce qui tombe sous la main !), pour se fixer enfin sur le métier de prof dans un lycée technique de Staten Island. Un prof à New York, dernier volet de la trilogie, vient ainsi clore un parcours où le tragique côtoie le cocasse, où les rires et les larmes se mêlent, où l’enfer est souvent « l’autre »... Qui ne se souvient de ce film merveilleux de James Clavell To Sir with Love ? Un film où Sydney Poitiers campe un prof noir voulant mettre un peu d’ordre et de savoir chez de jeunes et féroces loubards britanniques pris dans les tenailles de la pauvreté. Parler éducation et mathématiques à des jeunes avides de « hash » et de sexe n’est pas une affaire de tout repos... L’atmosphère de Teacher Man se rapproche un peu de cet univers où il est difficile d’inculquer  savoir et connaissance à des jeunes survoltés et rebelles, en prise avec les démons de la délinquance et le refus de l’establishment. C’est par l’art d’amadouer les durs à cuire, par ruse, par patience, par tactique guerrière, par un évident sens pédagogique que Frank McCourt finit pourtant par remporter la bataille de la sempiternelle histoire du maître et de l’élève. Comme toujours, le jeune prof McCourt fait appel à ses souvenirs d’Irlande, précieuse et inépuisable boîte à trésors, pour avoir gain de cause face à une audience monstrueusement turbulente. Brusquement, rejetant toute notion de hiérarchie, le maître se met sur un pied d’égalité avec ses présumés adversaires. Il parle et les élèves écoutent. Il ne s’agit plus d’un cours ex cathedra, mais de propos captivants, ni abstraits ni emphatiques, où la vie a le dernier mot... Les anecdotes piquent la curiosité, amusent, émeuvent. Et voilà que le maître, contournant l’obstacle, se rapproche de l’élève et établit le contact. Par cette savante pirouette dont seuls les bons profs ont le secret, le rejet de la culture se transforme bientôt en une parfaite leçon de vie. Et le miracle est là !

Usant d’un style simple, émaillé d’un humour pince-sans-rire, d’une certaine verve et de beaucoup d’émotion, Frank McCourt nous raconte sa « victoire » dans ce livre savoureux qui intéressera aussi bien le monde enseignant que celui des postulants au grand savoir !

 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Un jeune prof à New York de Frank McCourt, Belfond, 375 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166