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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Roman
Famille, je vous haime


Par Josyane Savigneau
2016 - 10
Lionel Duroy est un écrivain double. D'un côté, il construit une œuvre littéraire depuis un quart de siècle, d'un autre il prête son talent à des célébrités qui veulent publier leurs mémoires – Sylvie Vartan, Nana Mouskouri, Mireille Darc et beaucoup d'autres. Il ne le cache pas, il n'est pas un nègre secret. Mais cette année, pour son travail personnel, après le succès de son précédent roman, Échapper (Julliard, et en poche, «?J'ai Lu?»), il est un peu l'oublié des sélections des prix littéraires français de l'automne. Il ne figure que sur la liste du Renaudot.

Pourtant, L'Absente, le nouveau roman de son cycle autobiographique commencé en 1990 avec Priez pour nous (en poche, «?J'ai Lu?»), est digne d'intérêt, mené à toute allure comme une sorte de road movie à travers la France. On sait que le récit, de livre en livre, de son roman familial a valu à Lionel Duroy bien des déboires. Pas avec ses lecteurs, mais avec sa famille, notamment ses frères et sœurs – il est le quatrième d'une fratrie de dix – et même avec ses enfants.
Dans L'Absente, le narrateur, Augustin, vient de divorcer et de perdre la maison qu'il aimait tant. Il est parti un peu au hasard, comme un fuyard, dans sa vieille voiture, avec pour tout bagage quelques photos, ses deux vélos – il est un cycliste passionné – et son ordinateur. Il est écrivain, donc se remettre à écrire serait le bon moyen de fuir la dépression qui guette, car il a le sentiment «?qu'il ne maîtrise plus rien de sa vie, que tout lui échappe, même son propre corps. Un type crasseux, au volant d'une poubelle, voilà ce qu'il est devenu. Et là, s'il continue, il va finir contre un arbre?». Heureusement, il s'en abstient et le voilà à Verdun, «?le seul voyage qu'ils aient fait en famille au temps de Neuilly?». Un beau souvenir.

Il ne faut pas priver le lecteur de toutes les péripéties qui vont suivre, des découvertes. Mais outre la rencontre avec une lectrice qui a tout lu d'Augustin et qui décide qu'il doit l'aimer, ce qui anime ce livre, c'est en effet «?l'absente?», la mère. Cette mère qu'Augustin a détestée, ne versant pas une larme à sa mort. Soudain la perte de sa maison qui le désole et le dévaste lui fait mieux comprendre ce que sa mère a ressenti, quand elle a été expulsée, avec ses enfants, de leur appartement de Neuilly pour se retrouver dans une HLM de banlieue. Un immeuble presque insalubre, un environnement qu'elle détestait. Elle en est devenue folle. Et Augustin, dans son errance à travers le pays, tantôt en voiture, tantôt en vélo, n'est-il pas lui-même proche de la folie??

Est-ce le désir de mieux comprendre cette mère jusqu'ici honnie, qui le pousse à aller du côté de Bordeaux, dont la famille est originaire?? Certainement. Il se fait engager anonymement chez des cousins qui ne le connaissent pas. C'est la branche qui est demeurée aisée. Comment se fait-il que ces gens ne se soient pas portés au secours de la partie de la famille tombée dans le besoin?? Quel est le secret derrière tout cela?? N'aurait-on pas pardonné à cette fille de la grande bourgeoisie d'avoir renoncé à l'homme qui voulait l'épouser, pour convoler avec un noble désargenté, incapable d'exercer correctement un travail salarié?? Est-ce que la découverte de la vérité apportera à Augustin la paix qu'il cherche en vain depuis des années?? Va-t-il trouver là la matière de son prochain livre?? Probablement, puisqu'à la dernière page, il veut remonter dans sa chambre, certain qu'il va trouver la première phrase. Le lecteur, lui, en est certain, puisque c'est le livre qu'il vient de lire.

 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
L'Absente de Lionel Duroy, Julliard, 2016, 352 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166