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Roman
De Garcia à Garbo
Les amateurs d’histoires d’espionnage vont se régaler : en voici une plus vraie que vraie et pourtant si énorme qu’elle en paraît surréaliste. Contée par Guillaume de Fonclare sous la forme d’une lettre testamentaire adressée par le plus grand espion de tous les temps à son petit-fils, la vie de Garbo est un flux continu d’adrénaline et de hasards facétieux.

Par Fifi Abou Dib
2017 - 07
Historien, Guillaume de Fonclare a été directeur de l’Historial de la Grande Guerre. Atteint d’une maladie orpheline invalidante, son état de santé l’a contraint à abandonner cette fonction. Mais s’inspirant des documents rassemblés dans ce musée, et alors que sa maladie l’enferme graduellement dans son propre corps, il écrit un premier récit biographique, Dans ma peau, où il laisse les poilus exprimer leur détresse et leur misère physique. Dans son nouvel opus, c’est dans la peau de Juan Pujol Garcia que se glisse Fonclare. Plus connu sous son nom de code « Garbo », titre de l’ouvrage, Garcia est considéré comme le plus grand agent double de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. L’auteur retrace sous forme de confession le curieux processus qui a valu à ce dernier d’être décoré en 1944 à la fois de la Croix de Fer allemande, sous l’identité d’Alaric Arabel, et de la médaille de l’Ordre de l’Empire britannique sous l’identité de Garbo, et d’être à la guerre ce que Romain Gary fut à la littérature. De son enfance catalane sous l’aile d’un père débonnaire, à son refus de participer à la guerre d’Espagne qui le conduit bizarrement à s’enrôler aux côtés des franquistes dans l’espoir de s’évader ; de sa « carrière » d’éleveur de poules tout aussi due au hasard que tout le reste ; de son refus de donner la mort qui le conduit malgré lui à tuer un « ennemi » de deux coups de poignard, ce qui lui vaut les honneurs militaires espagnols et un passeport passe-partout ; de sa volonté de rejoindre les Alliés, d’abord contrariée par un refus des Britanniques de le prendre au sérieux, ce qui le renvoie dans le giron des Allemands dans l’attente d’un vent contraire ; de sa mission auprès du M15 britannique sous le nom de Garbo au plus haut fait de sa carrière, celui d’avoir fait croire aux nazis que l’Opération Fortitude, nom de code du débarquement en Normandie, n’était qu’un leurre et que la véritable opération devait avoir lieu quinze jours plus tard dans le Pas de Calais ; de sa double disparition enfin, après avoir annoncé à sa femme qu’il partait pour une chasse en Angola où il serait mort, écrasé par des buffles, alors qu’il se trouvait à Caracas sous une nouvelle et dernière identité de libraire, tout cela fait de Garbo un personnage romanesque au-delà du roman. D’où la forme testamentaire choisie par Fonclare pour nous livrer ce « Garbo par lui-même », un Garbo qui fait et défait son monde et l’arpente dans toutes ses latitudes avec ses multiples identités. Un Garbo amer qui semble vivre son destin comme un mauvais tour, mais si libérateur pour un auteur enfermé dans son corps et qui lui aussi s’invite dans l’identité polymorphe du plus grand espion de tous les temps.

Et pour finir, pourquoi Garbo ? Sous la plume de Fonclare, Juan Pujol Garcia répond qu’aux yeux de Cyril Mills, extraordinaire cinéphile et patron du M15 auquel il venait d’être intégré, « aucun acteur, fût-ce Gary Cooper, Spencer Tracy ou Lesley Howard, n’arrivait à la cheville de “la Divine” Greta Garbo. S’il fallait me donner le nom de code du plus grand acteur de ce temps, ce serait donc celui d’une actrice qu’on me conférerait ».


 
 
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BIBLIOGRAPHIE
Garbo de Guillaume de Fonclare, Stock, 2017, 228 p.
 
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