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Roman
Monsieur le Consul
Avec Le Suspendu de Conakry, Jean-Christophe Rufin inaugure une série de « romans avec crime », dont le héros est un diplomate marginal et décalé, mais un sacré fin limier et un genre de justicier.

Par Jean-Claude Perrier
2018 - 08


Entre autres vies, l’Académicien français Jean-Christophe Rufin a été diplomate, ambassadeur au Sénégal. Non loin de Conakry, donc. Et, grand voyageur, il connaît bien la zone. Il confie volontiers que cette expérience lui a inspiré l’idée de la série de romans policiers – lui préfère l’expression « romans avec crime », parce qu’à ses yeux le meurtre n’en est pas l’élément le plus important – qu’il inaugure aujourd’hui, centrée autour d’un personnage épatant, Aurel Timescu, un anti-héros qui ressemble un peu à l’inspecteur Columbo. Aussi mal fagoté, aussi décalé, mais aussi tenace. Il est, de surcroît, complètement alcoolique, cultivé et virtuose du piano, un parfait spécimen nostalgique de la Mittel Europa.

D’origine roumaine – d’où son accent dont il n’est pas parvenu à se défaire –, Timescu a subi dans son pays la dictature et l’oppression. Il y est encore allergique. Comme il avait de la famille en France, il a pu être « racheté », et exfiltré vers l’Occident. Ça se faisait, à l’époque du « paradis du socialisme ». Sur place, il a appris le français, a pu être naturalisé, passer un concours du Quai d’Orsay, et il se retrouve donc Consul de France à Conakry. Un poste modeste, obscur, en butte aux vexations de ses collègues et de son supérieur, Baudry, un sale type. En fait, Aurel est au placard, sans secrétaire, ordinateur ni téléphone de fonction. Mais tout change lorsque, Baudry étant en congés, on retrouve, suspendu au mât de son bateau dans la marina de Conakry, le cadavre de Jacques Mayères, un Français qui séjournait là depuis quelques temps, en compagnie de Mame Fatim, sa maîtresse, découverte, elle, assommée et ligotée. Le coffre ayant été forcé et dévalisé, un cambriolage qui aurait mal tourné semble l’hypothèse la plus plausible. Mais pourquoi cette mise en scène macabre ?

En tant que Consul, c’est Aurel qui se voit chargé de ce qui ne devrait pas être une enquête, mais une simple procédure de routine. Mais notre homme, qui ne supporte pas les mystères, les faux-semblants ni les injustices, va se prendre au jeu, se mobiliser, embarquer Hassan, jeune fonctionnaire local débrouillard et habile en informatique, dans une véritable traque à rebondissements multiples, où il apparaît que les coupables ne sont pas ceux que l’on pense et les services secrets français mouillés jusqu’au cou. Nos deux détectives amateurs s’en tireront brillamment.

La Françafrique, on le sait, n’est pas tout à fait morte sur le terrain, en dépit des beaux discours officiels. Elle fournit à Jean-Christophe Rufin, qui connaît bien le dossier, la toile de fond de son roman, lequel se dévore avec jubilation. Une lecture idéale pour l’été. Et l’on annonce déjà le deuxième épisode des aventures d’Aurel pour le mois d’octobre.

 BIBLIOGRAPHIE  
Le Suspendu de Conakry de Jean-Christophe Rufin, Flammarion, 2018, 310 p.
 
 
 
© Claude Truong-Ngoc
 
2020-04 / NUMÉRO 166