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Poésie
Joyce Mansour, sulfureuse déesse du parnasse surréaliste


Par Edgar Davidian
2015 - 01
Poétesse égyptienne d’expression française, parcourant l’Angleterre où elle est née en 1928, la Suisse où elle fait des études, l’Égypte où s’écoulent son enfance et une conjugalité entre malheur et bonheur, Joyce Mansour, pharaonne des lettres françaises, avait fait de ses mots et de sa vie un véritable chef-d’œuvre. Dans Une vie surréaliste, Joyce Mansour complice d’André Breton, récemment paru aux éditions France-Empire, Marie-Francine Mansour, sa belle-fille, lui rend un vibrant hommage. Sans tomber dans une narration linéaire, tel un conventionnel roman biographique, la traversée humaine de « l’étrange demoiselle » nous est admirablement restituée avec documents et citations à l’appui. L’analyse, concise et percutante, et les détails, avec de nombreux extraits, suffisent à diffuser tout l’éclat et l’aura du personnage. Sans oublier les témoignages des contemporains, dont les cercles littéraires et surréalistes de l’époque qui furent, à Paris, à l’avant-scène de sa tumultueuse existence. Car c’est surtout dans la Ville Lumière, dont elle fait l’épicentre de son inspiration, que s’affirme et s’épanouit l’écriture de Joyce Mansour. Elle entre en poésie, aussi bien qu’en prose et en théâtre, avec une lyre redoutablement séduisante, affûtée comme une arme qui va droit au cœur. Elle tient même un salon littéraire et entretient des relations avec les intellectuels et artistes influents de son temps, tels André Breton, Henri Michaux, André Pierre de Mandiargues, Pierre Alechinsky, Matta, Wifredo Lam ou Jorge Camacho. Fêtes étourdissantes, discussions animées, rencontres enrichissantes, liaisons troublantes… voilà un univers où peinture, écriture, poésie et prose somptueuses, par-delà d’improbables correspondances, se croisent et fusionnent dans des manifestes et des œuvres iconoclastes. En sortant du rang avec ses vocables inhabituels (une terminologie au tranchant de rasoir), l’auteur de Déchirures (éditions de Minuit, 1955) et de Rapaces (Seghers, 1960) aborde la poésie en dissonances harmoniques, luisantes associations verbales transgressant tout interdit et musicalité pointue pour une expression féminine inédite et d’une farouche indépendance. En jaillissent des images pétrifiantes, parfois glaçantes, où se marient parfaitement érotisme ravageur, impudeur sans états d’âme et sensualité torride.

Remonter aux sources de ce dire poétique libre et incantatoire est une valeur ajoutée à la connaissance d’une œuvre qu’on gagnerait à (re)découvrir. Et ce livre, tout en nuances et respect à l’être et au verbe de Joyce Mansour, reste un attribut non négligeable pour le sésame d’un univers enserrant toutes les beautés d’une sensibilité vive et d’un onirisme vénéneux !


 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Une vie surréaliste, Joyce Mansour complice d’André Breton de Marie-Francine Mansour, préface de Philippe Dagen, France-Empire, 2014, 254 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166