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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poésie
La vacance d’une paume


Par Ritta Baddoura
2007 - 05



Lire Une poignée de monde. Se laisser doucement éblouir par le jour qui se lève au creux d’une paume. La vacance d’une paume ? Ludovic Janvier l’explore à coups et à corps de mots au lieu de poings et de points finaux. Il est dans la profusion des images et des émotions et le ressenti des odeurs et textures. Miroitant les pans de clarté et d’ombre, il éclate la mémoire granuleuse et compacte d’un univers évident à force de peser.

L’emploi récurrent du « je » (première personne du singulier) déroute dans l’écriture de Ludovic Janvier. Repère, centre de gravité ou de gravitation ? Plutôt incarnation, l’ego se fond dans le relief de l’univers, en propose un déchiffrage des lignes, au lieu d’une autoglorification. Le « je » devient au large de certains poèmes la poignée extrême où la peur et le vide ne font qu’un. La peur de la perte du sens, de la confrontation cruelle avec soi, de la fuite de sa substance propre. Il devient l’unité de mesure évaluant l’écart entre la chose à dire et le mot qui l’exprime. Le « je » juché en presque parfait équilibre le long du tranchant double du mot.
Au moyen de tournures relevant du parler familier, Janvier pose le paysage de son poème : eau, vents, herbes, ciel, bleu, oiseaux, silence, bruits de l’attente. Ça parle tout le temps dans la tête du poète. Ça tourne, retourne, répète, déplace, prononce. Ses mots valsent du simple au cru au grossier. Ils ne redoutent ni l’altitude zéro ni les tabous de la bienséance poétique. Ils atteignent à la grâce pour ce qu’ils sont dans la demeure du corps. Ancrés dans ses besoins même les plus triviaux, ils imposent au désir le dépôt du présent et du souvenir. Ils sont en cela une sorte d’antidote aux préjugés du poète et du lecteur en matière de poésie.

L’écriture de Janvier réalise une alchimie contemporaine en ce qu’elle condense l’absolu et épaissit le spirituel jusqu’à les rendre palpables. Elle témoigne de la marche de l’univers et de la recherche de tout être vivant d’un renouvellement quelconque. Elle révèle l’être au monde, le monde à l’être, et l’être à l’être : accession - à chaque fois première- à une rencontre avec la lumineuse matinale. En cela, Ludovic Janvier est le poète du début.

 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Une poignée de monde de Ludovic Janvier, Gallimard, 2006, 146 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166