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Poésie
Michel Bulteau, Rimbaud moderne


Par Antoine Boulad
2006 - 12


Depuis 7 Retomba des nuits, son premier recueil paru en 1970, jusqu’à Hoola Hoops qui vient de paraître aux éditions de La Différence, Michel Bulteau traverse Paris avec sa longue silhouette et la poésie marche avec lui.

Ce poète «?électrique aux paupières de jupe?» dont le manifeste a rallié en 1971 une génération tragique, cet ange à la fois dandy et punk, considéré par certains comme la réincarnation de Rimbaud?;
celui à qui Henri Michaux rend visite dans sa mansarde en reconnaissant en lui cet «?explorateur des régions psychiques encore vierges?», selon le mot du chantre de la Beat Generation, Willams Burroughs?;
celui qui a poussé le désespoir jusqu’à la limite du lisible, qui a recherché l’inconnu au bout de la langue en accélérant ses visions à la vitesse de la lumière?;
celui qui, après Baudelaire et Nerval, téméraire et ténébreux, «?ose regarder le soleil sans ombre?», le centre insondable de tout?;
celui pour qui la modernité est «?le chemin le plus périlleux, le refus d’être inexact, irréel?»?;
l’auteur de ce poème de la fin des temps?:
La ville-tamis à nos holocaustes... sectionnent le vrai?; ...tous feux éteints le dégoût s’affala sur le trottoir. ... et j’étais d’un rire messieurs-dames la mouette-paupière, appuyé, certitude gaz, le désir de nouveau, d’automate/salopard, tu peux centimètre d’injures.

Écrit le 26 juillet 1998, le poème rimé suivant?:

J’aime écouter le vent
Dans le verger
Où les fruits très souvent
Tombent des branches chargées
Je est un autre.

Ce cut up, ce raccourci coupé collé, d’une œuvre qui compte une quarantaine de recueils résume de manière déchirante la crise esthétique et spirituelle qui agite la civilisation occidentale.

Dans Hoola Hoops, Michel Bulteau a recueilli les poèmes qu’il a composés entre 1996 et 2004. De New York au 15 août de l’Assomption, ce recueil qui prend parfois l’allure d’un journal de bord tant ces textes sont situés dans le temps et l’espace, témoigne d’un acharnement tragique à appréhender le monde dans son immédiateté, dans son instantanéité. Tout se passe comme si nous étions sommés de perdre la mémoire, de ne retenir que l’ici et maintenant qui seul nous libère de notre karma.

Le silence poétique de Rimbaud tanné par les soleils noirs du Harar n’a pas fini de hanter les hommes pour qui «?la peur de la foi est plus forte que la peur de l’enfer.?»

 
 
© Jacques Sassier / Gallimard / Diffusion Opale
 
BIBLIOGRAPHIE
Hoola Hoops de Michel Bulteau, La Différence, 2006
 
2020-04 / NUMÉRO 166