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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poésie
Marwan Hoss : le mot, la mort
Le dernier recueil de ce poète au verbe rare a été rédigé après une longue maladie. Déchirures est, à n’en pas douter, le fruit d’une expérience limite.

Par A. B.
2006 - 10



Si je meurs ici
On mettra des ailes à mon corps
Et je survolerai la mer.

Installé à Paris depuis 1968, Marwan Hoss a rédigé, après une longue maladie, ces textes conjuguent dans la blancheur les mots et la mort. Mais déjà ce tireur isolé ne publie que rarement... Et chacun de ses recueils ne comporte que de rares pages ! Et chacune de ses pages n’a que peu de mots ! Fascinante, cette page blanche, lisse comme un miroir ! Menaçante avant que le mot n’affleure, elle devient une alliée indissociable dès que le poète dispose dans l’espace blanc ses premiers signes qui métamorphosent avec éloquence les marges – autour, entre et à l’intérieur même des mots – comme Rimbaud dans L’alchimie du verbe « écrivait des silences... fixait des vertiges » !

On est loin de l’abondance d’un Cendrars dont la prose transsibérienne martèle la terre et rythme l’univers ! On est à l’opposé d’un Ginsberg, chantre de la révolte américaine de la Génération Beat, dont les hurlements déferlent tel un fleuve charriant toutes sortes de matériaux. On est plus proches d’un Basho, maître du haïku qui enserre l’unité du monde dans l’espace fulgurant mais permanent d’un instant.



Je suspecte la nuit
De dormir
Les yeux ouverts

C’est en fait le dénuement. Le plus pur des tarissements. L’écriture nue. À mille lieues de la profusion, les choses du monde retirent, ici, leurs pelures. Dans un hôpital qui est blanc par nature, la maladie change le lieu en une interminable et douloureuse page sur laquelle le poète écrit « à l’encre blanche » et, au bout, cette luminosité aveuglante qui attend celui qui emprunte le passage de la vie à la mort. Ici, habite « une femme dont l’odeur était blanche ». « Le corps (est) dépourvu de membres. » Ici, « comme l’encre, les mots se dessèchent aussi ». Il n’y a « plus de compagnons » ; même « les statuettes (sont) sans yeux ». Seule l’écriture s’interpose entre le cri de « désespoir et la folie ».

Et si nous n’étions tout simplement
Que des morts en vie

Par ce recueil, Marwan Hoss a scellé le destin de son œuvre poétique qui se lit rétrospectivement et à son corps défendant, comme une lente et profonde marche du mot vers la mort. Et retour. De la « mort éternelle » vers la poésie.

 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Déchirures de Marwan Hoss, Arfuyen.
 
2020-04 / NUMÉRO 166