Poésie
Bassam Hajjar : La mort apprivoisée
Par Jabbour Douaihy
2006 - 08
Bassam Hajjar est un poète devant la pierre, la pierre tombale, le marbre de l’épitaphe, celle de son père ou la sienne, « pierre blanche qui raconte ma vie en deux chiffres et une virgule : 1942,2004. » C’est sur sa mort qu’il se penche donc, à petits traits, en phrases espacées, en trois poèmes émaillés d’emprunts thématiques à la littérature arabe ou occidentale. L’espace de la mort lui est familier. Après une bonne douzaine de recueils dont le premier remonte à 1980, voici Bassam Hajjar dans son nouvel opuscule poétique qui fait « parler » le mobilier funéraire : chapelles ardentes, mur d’enceinte... Les références de départ ne lui manquent pas, de l’Évangile selon saint Matthieu et la pierre de la Résurrection à Roger Caillois en passant par Edmond Jabes (« la pierre comme la moins éloquente des formes d’éternité »). C’est donc une ode déclinée sur tous les modes, avec une féroce intensité qui mêle les petites formes dialoguées, les scènes volées à une vie agonisante et les métaphores qui réinvestissent le champ même du sens : « Un jour la pierre guérira de moi, la pierre qui est ma patrie, qui est ma demeure lointaine, ou peut-être mon cœur ou l’exil que j’ai toujours désiré... » L’ombre du père et le souvenir des parents morts ou malades hantent cette méditation. La mort est tout aussi familiale, universelle, quoique la plus « belle » reste celle du poète qui appelle sa fille, lui demande d’éteindre la lumière et de garder la porte entrouverte pour que lui parvienne le bruit de la maison, pour qu’il ne soit pas sur son lit un roi qui meurt en solitaire. L’Explication du marbre est une nouvelle tentative d’apprivoiser par les mots l’angoisse de la mort projetée dans cette pierre lisse, sans aspérités :
Marbre clair
Comme la lumière,
Lumière ténébreuse
Comme le marbre.
Tout est presque dit dans ce dernier oxymore récapitulatif.
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