Par Antoine Boulad
2015 - 09
«Demain, lorsque vous lèverez la main pour voter/ rappelez-vous que dès que vous la baisserez/ le signal sera donné/ aux mitrailleuses pour qu’elles crachent/ misère et mort/ sur ceux que vous avez poussés au peloton. »
Tout se passe comme si l’engagement dans l’action politique auprès des souffrances du peuple ne suffisait pas s’il ne se doublait pas de la magie des mots qu’offre la poésie ; comme si le dirigeant et responsable public, jeté dans la tourmente de son pays, y laisserait ses ailes sans le chant voltige qu’offre la poésie. Tassos Kourakis est actuellement ministre délégué au ministère hellénique de la Culture, de l’Éducation et des Cultes.
À l’inverse, le poète qui dit de lui-même qu’il est « collectionneur de loques, dérobant le superflu » ne saurait s’enfermer ni s’enferrer dans les vertiges des mots, sachant que la limpidité du réel ne tient qu’à un fil.
« Le mot pluie ne mouille pas/ le mot feu ne brûle pas/ le mot baiser ne rend pas la langue humide/ caresser la lettre sur laquelle/ est écrit je t’aime/ n’égale pas le charnel. »
Cette dialectique du concret et de l’abstrait, du matériel et de la représentation, du « dedans » et du « dehors », du féminin et du masculin qui s’interpénètrent fait également écho à une sorte de mythe qui court dans ce recueil comme une eau souterraine, celle de « lui, elle et le verbe », « jusqu'à ce que leurs ombres se confondent dans l’UN de la matrice ».
Le recueil, qui est une édition bilingue d’extraits de deux autres ouvrages antérieurs, s’achève sur de magnifiques textes d’une rare violence sur la femme, intitulés Nos Christs au féminin. Cette violence est purificatrice pour laver l’histoire de tous ses enchaînements, salvatrice pour annoncer les temps nouveaux, accouchant l’extase et l’amour, libératrice pour qu’advienne « toute la beauté du monde. »
« Femmes entrant en révolution redressant leurs vertèbres telles des colonnes du Parthénon. »