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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Essai
L’Union soviétique intra-muros
Durant son histoire, l’URSS n’a été vue que de l’extérieur. Les « kremlinologues » tâchaient de comprendre ses choix politiques en décryptant la langue de bois officielle. Dès 1991, à la chute du régime, un historien a pu accéder à d’immenses fonds d’archives couvrant des périodes très lointaines. Visite en profondeur du labyrinthe soviétique.

Par Henry Laurens
2008 - 02

La mort de Staline ouvre la période d’une impitoyable lutte pour le pouvoir

L’auteur, un historien universitaire russe, a eu le privilège d’avoir été, à l’époque d’Eltsine (1990-1996), le directeur des archives de Russie. Il a entrepris une œuvre en deux volumes de l’histoire du pouvoir soviétique de 1945 à 1991. Voici le premier tome, publié au Canada, qui couvre la période 1945 à 1982. Il s’agit d’une étude et d’une réflexion sur l’histoire du pouvoir soviétique à partir de documents quasi tous inédits qui concernent au premier chef la « nomenklatura », ce groupe d’environ 3 000 personnes qui ont gouverné le pays et le petit groupe des dirigeants. Si l’accent est mis sur les mécanismes de la prise de décision politique, de nombreux aperçus plus généraux sur l’économie et la société soviétiques sont utilisés dans l’analyse. Le second tome devrait comporter une réflexion sur les causes de la chute de l’Union soviétique.

 

Ce livre apporte énormément d’informations de première main sur le déroulement des événements. Il décrit tout d’abord le rétablissement du pouvoir stalinien au lendemain de la guerre avec l’élimination des hommes nouveaux sortis du conflit mondial, la rivalité des « princes » autour du chef vieillissant et la préparation d’une nouvelle vague de terreur. La mort de Staline ouvre la période des réformes doublée d’une impitoyable lutte pour le pouvoir. Les réformes khrouchtchéviennes représentent la variante la plus conservatrice de la modernisation du pays et la lutte contre le « culte de la personnalité » est avant tout un instrument d’élimination des concurrents.

 

Maître du pouvoir en 1957, Krouchtchev lance le programme irréaliste de rattraper et dépasser l’Amérique et d’accéder au communisme. Cette ambition folle se transforme en affaires douteuses, en roublardise administrative et désorganise l’agriculture, produisant un vaste mécontentement dans la population. L’aventurisme de Khrouchtchev le rend dangereux pour l’élite au pouvoir qui le dépose en 1964. Jusqu’à la fin des années 1960, les réformes se continuent à un rythme plus modéré. L’intervention en Tchécoslovaquie en 1968 leur porte un coup mortel. Commence alors la stagnation qui va jusqu’à 1982. L’élite dirigeante est particulièrement stable, mais l’échec économique est caché par la transformation du pays en État rentier producteur et exportateur de pétrole et de gaz. Le retour à l’orthodoxie doctrinale s’accompagne d’un rôle croissant du KGB dans la société au point que la police politique devient probablement plus influente que le parti lui-même.

 

Par étapes, la nomenklatura s’est emparée du pouvoir. Khrouchtchev s’est appuyée sur elle puis en a été victime. Le régime, incapable de se renouveler, se sclérose. L’attachement au rôle dirigeant du parti rend impossible l’introduction de mécanismes de marché dans l’économie, contrairement à ce que fera la Chine après la révolution culturelle.

 

L’ouvrage porte peu d’informations sur le Moyen-Orient. Il marque que la décision d’intervenir militairement en Hongrie en 1956 a été prise après l’ultimatum franco-britannique à l’Égypte nassérienne et que Waddi Haddad, chef du département des opérations extérieures du FPLP, a été un collaborateur du KGB qui a accordé une aide matérielle à son organisation.

 

Le principal mérite de ce livre, outre sa profusion d’informations diverses, est qu’il été écrit par un universitaire russe à destination du public russe. Il nous donne ainsi un état de la réflexion historique dans ce pays. On attend avec impatience le tome suivant..

 

 

 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
URSS Histoire du pouvoir, quarante ans d’après-guerre de Rudolf G. Pikhoia, éd. Kéruss, Québec, 2007, 696 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166