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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Essai
L'Amérique ensablée


Par Olfa LAMLOUM
2007 - 11
L’échec des États-Unis à appréhender les conséquences du 11 Septembre 2001 est désormais patent. Six ans plus tard, aucun des objectifs fixés par l’administration Bush n’est atteint. El-Qaëda s’ingénie à investir un espace « plus que jamais déterritorialisé et mondialisé », tirant parti de l’enlisement américain en Irak et de la dégradation de la situation dans tout le monde arabe. La raison est double. Les déboires de la Maison-Blanche s’expliquent par deux erreurs stratégiques commises par les néoconservateurs. La première renvoie au concept de « guerre globale contre le terrorisme », une réponse totalisante, mobilisée contre « le mal absolu », et détachée de tout contexte social et économique. La deuxième est bel et bien l’intervention militaire en Irak, conçue comme une étape nécessaire sur la voie de l’éradication du terrorisme. Ces erreurs découlent de la vision idéologique des relations internationales, imposée par les néoconservateurs. Dans leur optique, mettre fin au terrorisme supposait de faire disparaître ses causes, ce qui passerait, supposaient-ils, par le renversement du régime de Saddam Hussein et l’impulsion de réformes démocratiques au Moyen-Orient, dans le cadre de l’institution du « Grand Moyen-Orient ». Or, « l’obsession irakienne » de l’équipe Bush l’a empêchée de définir clairement son adversaire, de délimiter son champ de bataille et de mobiliser en conséquence les moyens adéquats. Telle est la thèse principale développée, dans son dernier essai, par Olivier Roy, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du monde musulman. Il avait déjà avancé certains de ses arguments dans deux ouvrages remarqués, L’Islam mondialisé (Seuil 2002) et Les Illusions du 11-Septembre (Seuil 2002). L’intérêt de l’ouvrage qui vient de paraître est de fournir une synthèse actualisée, prenant notamment en compte la controverse sur le nucléaire iranien. L’auteur s’y démarque nettement des tenants de la thèse du « poids des lobbies » pétroliers ou israéliens dans la décision d’envahir l’Irak, préférant attribuer celle-ci au seul projet idéologique soutenu par le programme du « Grand Moyen-Orient » (GMO). Sa démonstration, toujours intéressante, nous laisse quelque peu sur notre faim.

Il est, certes, absurde d’assimiler la première puissance mondiale à un simple agent de l’État d’Israël. On aurait aimé, cependant, voir Olivier Roy prendre en compte les débats récents qui ont secoué les milieux académiques américains, et notamment l’étude des politistes John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt qui mettent en évidence la complexité du rôle de l’État hébreu dans la politique moyen-orientale des États-Unis et les interférences entre les intérêts spécifiquement israéliens et certaines des orientations « étatsunisiennes ». Expliquer l’invasion de l’Irak par le seul impératif idéologique de démocratisation paraît également quelque peu univoque. D’une part, en raison de l’hétérogénéité de l’équipe Bush, soulignée par l’auteur lui-même. Ensuite, parce que les velléités démocratiques de l’Administration américaine en Irak ont été trop tôt mises à mal en Irak. Le refus de Paul Bremer opposé à l’adoption du suffrage universel pour l’élection de Assemblée constituante et la ratification de la nouvelle Constitution, arrachées par des manifestations de rue appelées par Sistani, augurait mal, en effet, de la sincérité des promesses démocratiques formulées par les néoconservateurs. En revanche, on ne peut que souscrire aux hypothèses que propose l’auteur quant aux conséquences de l’échec de ces derniers, en l’occurrence le retour à une politique d’endiguement ou d’éradication de l’islamisme, basée sur un soutien sans faille aux régimes autoritaires dans la région.

 
 
Six ans après le 11 Septembre, aucun des objectifs fixés par l’administration Bush n’est atteint
 
BIBLIOGRAPHIE
Le croissant et le chaos de Olivier Roy, Tapage, Hachette littératures 2007, 190p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166