Que sait-on réellement d’un chroniqueur ? Que reste-il de lui sinon ses écrits ? Flavius Josèphe est la référence incontournable en ce qui concerne le premier siècle après Jésus-Christ. Mais cet homme qui raconte son siècle et le destin des autres eut, lui aussi, un parcours des plus remarquables… Et c’est bien ce destin atypique que Patrick Banon retrace dans son dernier ouvrage.

Né en 37 dans une famille issue de la plus illustre des tribus juives, Joseph Ben Matthias choisit la voie de la prêtrise. Lorsqu’une guerre sainte éclate à Massada, il espère être le négociateur de la paix et multiplie les tentatives de pacification afin d’éviter à son peuple une guerre suicidaire. Nommé général de Galilée, il hérite d’un royaume où il pourra faire ce qu’il fait le mieux, jouer plusieurs cartes à la fois : mener la révolte de manière crédible pour satisfaire ses partisans, et de manière suffisamment prudente pour ne pas s’attirer la haine de Rome. Néron charge Vespasien de détruire Jérusalem. Celui-ci confie le commandement de l’armée à son fils Titus. Jérusalem est évidemment la cible privilégiée de Vespasien, mais il doit d’abord prendre la Galilée. Afin de gagner du temps et dans l’espoir d’épargner la population, Joseph s’enferme à Jotapata, une cité rurale qu’il renforce, et se prépare à un long siège. Convaincu que battre Joseph lui permettrait l’occupation de toute la Galilée, Vespasien commet l’erreur de faire le siège de Jotapata. D’habile diplomate, Joseph se transforme en redoutable chef de guerre. Il faudra 47 jours pour que Jotapata soit prise.

Joseph est gracié par Vespasien, mais ses ambitions politiques sont mortes. Il reste toutefois convaincu d’avoir encore un grand rôle à jouer dans l’intérêt de son peuple. Il est pris en amitié par Titus et Vespasien qui voient en lui un homme courageux, intelligent et utile. Clairvoyant et visionnaire, Joseph prédit à Vespasien qu’il sera un jour empereur. Prisonnier certes mais vivant et bien traité, il assiste à la reddition de la Galilée et comprend que la bataille de Jérusalem commence. Il sait que cette fois, ironie du sort, il y assistera dans le camp des Romains. Il profite de sa captivité pour continuer l’étude des textes saints et décide de la manière dont il va poursuivre son combat. La caste des Sadducéens dont il fait partie ne prête de vérité qu’aux écrits. Aux yeux de Joseph, écrire devient l’arme absolue. Dès son emprisonnement, il prend note de tous les détails de la révolte en Galilée, avec le projet de raconter plus tard la guerre menée par les Juifs contre Rome ; l’irrationnel soulèvement de son peuple.

Après la mort de Néron, l’année des quatre Césars se termine par l’accession au pouvoir de Vespasien qui libère Joseph et charge Titus de pacifier la Judée. Malgré les nombreuses interventions de Joseph auprès des deux camps, le temple est profané et Jérusalem incendiée.

Titus Flavius Josephus ! Les tria nomina expriment désormais la citoyenneté romaine de Joseph Ben Matthias ; Vespasien vient de lui ouvrir les portes de Rome où, bien qu’exilé à vie, il n’est plus officiellement un étranger. Dorénavant pour Josèphe, les champs de bataille ne se déroulent plus sur les terres de Judée et de Galilée mais sur les rouleaux de parchemin. Il consacre un premier ouvrage à la guerre des Juifs. Troie détruite par les tribus achéennes eut le poète Homère pour perpétuer sa mémoire. La prise de Jérusalem par les légions romaines aura Flavius Josèphe. Par la suite, il publie les Antiquités judaïques pour faire pendant aux Antiquités romaines de Denys d’Halicarnasse.

Spécialisé en sciences des religions et étude des monothéismes, Patrick Banon nous livre la biographie d’un homme qui a su se frayer un chemin dans le chaos de son siècle sans jamais se renier.