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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Essai



Par Samir Frangié
2016 - 08
Le Monde au défi de l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, commence par un constat?: 70 ans après la fondation des Nations unies, la «?communauté internationale?» n’existe toujours pas. Les références à cette communauté dans les médias et les communiqués de sommets multilatéraux correspondent bien peu à la réalité.

La charte des Nations unies adoptée à San Francisco le 27 juin 1945 par les 50 pays fondateurs a été suivie par l’entrée du monde dans le long tunnel de la guerre froide. Celle-ci ne prendra fin que 45 ans plus tard. Lui succède une mondialisation axée sur une «?démocratie de marché?» qui avait vocation d’unifier le monde. Cet objectif n’a pas été atteint. Bien au contraire, la mondialisation a créé des milliardaires à foison et sorti des centaines de millions de paysans de l’extrême pauvreté, mais au prix d’un accroissement faramineux des inégalités. Beaucoup, note l’auteur, ont cru aux vertus «?homogénéisatrices?» de cette mondialisation, mais celle-ci a suscité beaucoup de résistances sociales et identitaires et une forte demande de protection parmi les populations qui éprouvent de plus en plus le besoin de se raccrocher à leur identité culturelle ou religieuse.

Védrine n’est pas optimiste. «?Nous allons, dit-il, devoir vivre durablement dans un système mondial chaotique, en permanence instable.?»

Pour dépasser les blocages à la mise en place d’une véritable communauté internationale, il défend une idée novatrice?: favoriser un processus d’écologisation, c’est-à-dire passer de la géopolitique à la géo-écologie. Seule la nécessité de garder la terre habitable pourrait concerner tous les êtres humains et créer une convergence d’intérêts.

L’auteur parle de l’«?habitabilité?» de la biosphère par tous ses habitants en étendant le concept à tous les êtres vivants. Or il y a longtemps, dit-il, que les scientifiques, unanimes sur ce point, nous alertent?: il faudrait plusieurs planètes pour permettre à dix milliards d’êtres humains de vivre en consommant autant de ressources non renouvelables et en produisant autant de déchets.

Quel pourcentage d’êtres humains, s’interroge-t-il, en est conscient et prêt à en tirer les conséquences?? Il a fallu, rappelle-t-il, beaucoup de temps depuis le cri d’alarme lancé par le Club de Rome, il y a 43 ans, pour que les mentalités commencent à changer. Ce n’est qu’en 2015 que le secrétaire général des Nations unies, sur base des études faites, déclare que le réchauffement rapide de la planète s’est avéré d’origine essentiellement humaine, et que les conséquences de ce changement climatique sont croissants et potentiellement catastrophiques.

Cette prise de conscience, prévient l’auteur, ne peut pas avoir de traduction immédiate. «?Passer en très peu de temps de la croissance, panacée obsessionnellement recherchée, mais prédatrice, à une gestion consensuelle, écologiquement responsable et donc durable, est tout bonnement impossible.?» La transition écologique nécessite une révolution des mentalités et des valeurs qui fera de l’ensemble des êtres vivants sur cette planète une communauté solidaire. «?Le monde aura alors, conclut-il, relevé le plus grand défi qu’il s’était lancé à lui-même.?»


 
 
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2020-04 / NUMÉRO 166