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Essai
La famille, la secte, le clan
Une grande partie de la communauté internationale a voulu croire que le président syrien était un homme moderne et ouvert alors que son régime, mis en place dans ses moindres détails par son père, n'a jamais été un havre de démocratie.

Par William Irigoyen
2018 - 11
«La famille, la secte et le clan » : à lire Subhi Hadidi, Ziad Majed et Farouk Mardam-Bey, c'est dans cette « trinité » qu'il faut chercher l'axe central du régime syrien ou plutôt de la dynastie al-Assad. Car, comme l'explique cet essai écrit à six mains, le système politique installé en 1970 – date à laquelle Hafez en devient le numéro un à la suite d'un coup d'État et le lègue à sa mort à Bachar – a été pensé et structuré pour satisfaire les besoins d'un seul groupe. Celui-ci est honni par les uns qui l'accusent d'avoir transformé le pays en un abattoir à ciel ouvert et célébré par les autres qui voient dans le « assadisme » le seul rempart efficace contre le terrorisme. 

Si Bachar se maintient au pouvoir, c'est parce qu'il a su, comme son père, faire sien un concept politique vieux comme le monde : divide et impare, soit diviser pour régner. En jouant, selon les époques, les uns contre les autres, il est parvenu à installer ou maintenir à des postes-clé de l'État les représentants d'un groupe confessionnel auxquels il assure un confortable et néanmoins peu recommandable bien-être matériel : « Les alaouites contrôlent 90 % des fonctions supérieures et des postes sensibles au sein des renseignements, de l’armée et des instances économiques, ce qui permet d’amasser des fortunes en toute illégalité. » 

Le grand mérite de ce livre est de lister les nombreux subterfuges employés par le pouvoir afin de maintenir son autorité. Il faut voir par exemple comment Bachar, médecin civil, passe en peu de temps du « grade de lieutenant major », à commandant, puis colonel et général avant de finir, par la grâce d'un appareil de promotion interne tout entier à ses ordres, chef d'état-major de l'armée. Quant à sa trajectoire politique, elle évolue selon un même schéma : « Quelques jours suffirent ensuite pour qu’il devienne également secrétaire général régional du parti Baath, ainsi que secrétaire général panarabe sans même que le congrès panarabe du Baath se réunisse et, pour finir, candidat à la présidence de la République... » 

Le régime a compris très tôt que rien n'est possible sans la fabrication d'une image rassurante. Tout est donc fait pour faire accréditer la thèse que Bachar incarne l'ouverture, la lutte contre les gaspillage et la corruption, l'abandon du dirigisme économique et l'entrée dans un supposé néolibéralisme de progrès. « Preuve » que Assad junior incarne la modernité, les journaux utilisent à l'envi son atout charme, sa femme : « Ils donnaient l’image d’un couple jeune, dynamique, occidentalisé qui attirait les médias et séduisait une certaine catégorie sociale en Syrie. » Tout le monde va profiter de cette construction médiatique, à commencer par le parti Baath qui parvient à conserver sa « phraséologie nationaliste panarabe, alors qu'elle paraît à juste titre de plus en plus anachronique ».

La suite, nettement moins papier glacé, est connue. Des centaines de milliers de morts plus tard, Bachar al-Assad a révélé sa véritable identité. Le boucher de Damas a perpétué l'« institution de la violence » qu'il avait héritée de son père. Pour combien de temps encore ?

BIBLIOGRAPHIE
Dans la tête de Bachar al-Assad de Subhi Hadidi, Ziad Majed, Farouk Mardam-Bey, Solin/Actes Sud, 2018, 200 p.


Farouk Mardam Bey et Ziad Majed au Salon : 
Débat « Miroirs des princes : ces fous qui nous gouvernent ? », le 4 novembre à 17h30 (salle 1- Antoine Sfeir)/ Signature à 18h30 (Virgin).
 
 
 
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