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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Enquête
Les pratiques culturelles de la jeunesse arabe
Quels sont les rapports des jeunes Arabes à l’art, la langue, l’engagement, la politique, le patrimoine, l’identité, l’émigration et la modernité ? Le Rassemblement des chercheuses libanaises (RCL) tente de répondre à la question dans une approche originale et innovante.

Par Mahmoud HARB
2010 - 12

Dès son introduction, la nouvelle édition du livre annuel du Rassemblement des chercheuses libanaises («?Bahithat?» ou RCL) promet au lecteur un saut en plein monde de demain, un avant-goût du paysage social des années à venir. Et la quarantaine de textes ou presque qui composent cette œuvre collective tiennent la promesse. Car l’ouvrage, quatorzième de son genre à être édité par Bahithat, est consacré à la jeunesse et à l’étude de ses pratiques culturelles. Or, comme le note l’introduction du livre, la jeunesse, de par sa perméabilité toute naturelle au changement et sa prédisposition innée à remettre en cause tout ordre, tout fait accompli, constitue le laboratoire de la société, la scène de création, d’élaboration, d’expérimentation des tendances nouvelles. Des tendances génératrices de progrès ou synonymes de régression, mais qui façonneront inéluctablement l’avenir et ne manqueront pas de régner, dans un avenir proche, sur le corpus social dans son ensemble.

L’originalité de l’ouvrage du collectif Bahithat est que, contrairement à de nombreux livres consacrés à la jeunesse, il est fort susceptible d’attirer l’attention des jeunes eux-mêmes, notamment grâce à une certaine authenticité qui se reflète dans la plupart des textes qui le composent. Une authenticité due premièrement à l’absence de ton moralisateur ou d’idées superficielles et préconçues qui, souvent, finissent par ressurgir lorsque la jeunesse est évoquée par ceux qui l’ont quittée. Une authenticité renforcée également par la multiplicité des auteurs et de leur appartenance géographique (Bahreïn, Égypte, France, Irak, Koweït, Liban, Maroc, Suisse, Syrie, Tunisie) ainsi que de leurs spécialités (informatique, journalisme, musicologie, arts dramatiques, pédagogie, linguistique, littérature, sociologie, politologie, anthropologie, démographie, urbanisme), et donc de leurs approches. Une authenticité enfin entérinée par la présence de témoignages qui permettent aux jeunes d’avoir voix au chapitre ainsi que par la définition assez large des pratiques culturelles choisie par le comité de rédaction et couvrant les différentes formes de la création artistique dans ses dimensions littéraire, picturale, audiovisuelle et musicale.

Cette définition guère restrictive des pratiques culturelles a insufflé à l’ouvrage son originalité en catalysant une certaine diversité des thèmes qui y sont abordés. Lesquels thèmes revêtent parfois une dimension innovatrice dans l’étude des comportements et des préférences de la génération d’Internet et de «?la mort des idéologies?». Tel est notamment le cas de l’étude sociologique conduite par Maude Estéphane-Hachem et Azza Charara-Beydoune et analysant les pratiques culturelles des jeunes femmes libanaises sur base d’un sondage statistique. Il s’agit également de la contribution de Jennifer Peterson consacrée à l’influence des chants et cantiques des cérémonies religieuses du Maouled sur la jeunesse égyptienne, de l’analyse de Mona Harb et Lara Dib des formes d’engagement et de loisir et des rapports de la jeunesse aux autorités morales dans la banlieue sud de Beyrouth et, sur un ton plus intime, du texte quasiment élégiaque d’Ahmad Beydoun, évoquant «?la grâce?» de l’abondance des textes écrits, aujourd’hui à la disposition de tout un chacun. Sans oublier une multitude d’autres contributions, certes de grande qualité, mais imbibées de la même authenticité, et qui font de l’ouvrage de Bahithat une référence à conserver pour ceux qui souhaitent se plonger en plein dans le XXIe siècle.



* Les pratiques culturelles de la jeunesse arabe (Al-moumarassat al-thaqafiyya lil-chabab al-arabi) édité par le Rassemblement des chercheuses libanaises avec le soutien de la Fondation Heinrich Böll et du Fonds mondial pour les femmes, 576 p.

 

 

* Le RCL et son livre annuel


Le Rassemblement des chercheuses libanaises – alias Bahithat – a été fondé en 1993. Il regroupe aujourd’hui quelque 35 chercheuses, académiciennes ou non, de différentes spécialités et de toute appartenance régionale, politique et confessionnelle, indique Azza Charara-Beydoune, psychosociologue et membre du collectif. Selon elle, le RCL vise à créer un espace de rencontre et de débat entre ses membres afin de leur permettre d’enrichir leurs travaux et d’échanger idées et ouvrages de références. «?Nous avons également pour objectif de soutenir les jeunes chercheuses, précise-t-elle. La plupart de nos activités sont donc internes et non destinées au public.?»
Depuis 1994, la publication du livre annuel constitue l’un des temps forts des activités de Bahithat. Le thème de l’ouvrage est sélectionné par l’assemblée générale du collectif qui est appelée à départager plusieurs projets avancés par des équipes de 3 ou 4 membres, explique Maude Estéphane-Hachem, spécialiste en pédagogie et membre du RCL. C’est le projet conjoint qu’elle a présenté avec Azza Charara-Beydoune, Nazek Saba-Yared et Watfaa Hamadi qui a été sélectionné pour l’édition 2010. Les quatre femmes ont travaillé pendant plus d’un an et demi pour préparer l’ouvrage, faisant circuler un appel à contribution de bouche à oreille. Elles ont également organisé un colloque qui a réuni les différents contributeurs, afin de leur permettre de peaufiner leurs idées et d’aiguillonner leurs approches. Le fruit de leur travail sera présenté lors d’une rencontre au Salon du livre arabe, dimanche 5 décembre à 16h30.

 
 
 
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