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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Enquête
La littérature libanaise et les timbres
Les timbres ont toujours eu pour vocation de rendre hommage à des personnalités connues, dont parfois des écrivains de renom. Qu’en est-il au Liban ? Quels sont les auteurs retenus ? Et pourquoi la littérature libanaise est-elle le parent pauvre de notre philatélie ?

Par Dr Joseph M. HATEM
2010 - 05
Lorsque le premier timbre fut émis à Londres le 6 mai 1840, nul ne pensait qu’il allait révolutionner le cheminement du courrier et créer une nouvelle discipline, la philatélie. Conçu par Rowland Hill, ce timbre représente la reine Victoria de profil à l’âge de 20 ans. En moins de deux décennies, tous les pays avaient adopté le système. Ces timbres représentent les souverains, les chefs d’État ou les symboles de la nation, les événements politiques, sociaux, économiques, artistiques ou culturels. Le Liban n’échappe pas à cette règle, depuis les premiers timbres émis à partir de 1924. Le cèdre est omniprésent ainsi que les sites, paysages et vestiges archéologiques. En 1944, à la suite de l’indépendance effective, les émissions sont à caractère politique : célébration de l’Indépendance, adhésion à la Ligue des États arabes et à l’ONU, émigrés, Jeux olympiques et congrès.

Dans notre livre Le Liban illustré par ses timbres (éditions Dergham, 2009), nous avons entrepris de regrouper ces émissions par thèmes. Ainsi, dans le chapitre consacré au patrimoine culturel du Liban, avons-nous relevé les émissions suivantes :
1966 : L’alphabet phénicien à l’origine de tous les alphabets du monde occidental.
1968 : Beyrouth « Mère des Lois » par référence à sa fameuse École de droit du IIIe siècle.
1972 : Année internationale du livre.
1975 : Beyrouth, ville universitaire.
2001 : Abdallah Zakher, fondateur de la 1re imprimerie en caractères arabes.
2002 : Beyrouth, capitale de la francophonie en 2002.
2002 : Beyrouth, capitale culturelle du monde arabe.
2009 : Beyrouth, capitale mondiale du livre.
Mais qu’en est-il de nos écrivains, poètes et philosophes ?
Quatre écrivains en 90 ans !

Dans une émission philatélique en 1971 consacrée à quatre célébrités, on découvre le poète Béchara el-Khoury, surnommé « al-Akhtal al-Saghir », et l’écrivain et peintre Gibran Khalil Gibran. En 1974, dans une émission consacrée à six peintres libanais, figure une peinture de Gibran. En 1978, une émission est consacrée à Mikhaïl Naïmeh à l’occasion d’un festival qui lui est dédié de son vivant. En 1983, l’Unesco proclame cette année « l’Année Gibran » pour le centenaire de sa naissance, et le Liban émet quatre timbres à cette occasion représentant les peintures de l’auteur du Prophète, dont un autoportrait. De nouveau, à l’occasion du 125e anniversaire de la naissance de Gibran, le Liban émet quatre timbres dont trois représentant ses peintures, et le quatrième le musée Gibran à Bécharré, sa ville natale. Enfin, en 2001, une émission est consacrée à Élias Abou-Chabké, poète, écrivain et journaliste. Au total, quatre écrivains, une misère pour 90 ans de philatélie et pour un pays qui prétend être le phare de la culture au Proche-Orient. En comparant cette situation à celle de la France, on constate l’ampleur du fossé qui nous sépare de l’Hexagone : certes , le premier timbre représentant un poète – Ronsard – ne date que de 1924 alors que le premier timbre français a été émis en 1849. Mais, depuis, la France s’est bien rattrapée puisque plus de quatre-vingts écrivains, poètes, philosophes ont été représentés sur des timbres à partir de 1932. Néanmoins, de graves oublis subsistent : on retrouve Molière et Corneille, mais pas Racine ; Lamartine, mais pas Chateaubriand !
Suggestions

À l’évidence, le Liban n’a pas la tradition littéraire multiséculaire de la France, mais il dispose tout de même d’un recul de deux siècles. Des auteurs comme Ahmad Farès Chidiac, Amin al-Rihani, Maroun Abboud, Ibrahim Yazigi, Boutros al-Boustani, Suleiman al-Boustani, Fouad Frem al-Boustani, Youssef Habchi el-Achkar, Ilya Abou Madi, Chakib Arslane, Gergi Zeidan, Chebli Mallat, Chucri Ghanem, Abdallah Ghanem, Michel Chiha, Charles Corm, Georges Naccache, Georges Schéhadé, Nadia Tuéni, May Ziadé, pour ne citer qu’eux, ne méritent-ils pas d’être honorés par l’émission d’une série de timbres « littéraires » ? À l’occasion de l’événement « Beyrouth capitale mondiale du livre », le timbre commémoratif représente des livres entassés ; les autorités auraient sans doute mieux fait d’émettre une série de timbres consacrés à nos auteurs. Elles pourront toujours se rattraper en lançant des émissions spéciales rendant hommage à nos écrivains anciens et modernes, arabophones, francophones et anglophones, et consacrer ainsi la contribution de la philatélie à la culture et à la (re)connaissance de nos auteurs. Vox clamantis in deserto ?


 
 
 
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