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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le Clézio, égal à lui-même
Histoire du pied et autres fantaisies est le premier livre publié par JMG Le Clézio après le prix Nobel de littérature 2008. La consécration suprême aurait-elle changé l’auteur de Désert ?

Par Alexandre NAJJAR
2011 - 12
À la lecture de ce recueil, constitué de neuf nouvelles et d’un petit essai, force est de reconnaître que Le Clézio est resté fidèle à lui-même, qu’il est toujours cet « écrivain des nouveaux départs, de l’aventure poétique et de l’extase sensuelle, explorateur d’une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante ». On y retrouve d’abord sa prédilection pour les nouvelles, sa volonté de privilégier une écriture aérienne, délestée de toute fioriture et de tout verbiage. Le style y est limpide, poétique, animé par ce rythme que Gibran – cité par Le Clézio dans son discours de Stockholm ! – appelait le « rythme maritime », un rythme comparable « au bruit de la mer » et au « souffle du vent du large »… Il y a aussi, chez lui, une parfaite connaissance de la nature et du corps humain, un sens rare de l’observation qui lui permet de saisir le moindre détail, de décrire brillamment ce que les autres ne voient pas, et puis, cette curiosité naturelle qui le pousse à « dénicher » des histoires singulières aux quatre coins du monde, au milieu de la misère ou de la détresse, voire à se mettre dans la peau d’un enfant mort-né ou d’une… araignée ! Mais ce qui frappe le plus dans Histoire du pied et autres fantaisies, c’est que l’auteur, quand bien même il nous raconte des tragédies, laisse toujours la porte ouverte à l’espoir. En prison, Yo rêve de lire et d’écrire pour correspondre avec Elaine ; portée par ses pieds complices, Ujine a résisté au suicide et gardé son enfant, Samuel a fini par revenir, car « la vie est changeante comme les nuages qui passent » ; même morte, Letitia « enseigne la vie des femmes libres » ; Mari et Esmée, la fille de l’odieux diamantaire libanais, sont sauves grâce à l’arbre Yama, grâce à une hyène brune et parce que les soldats ont fini par disparaître « comme un vent mauvais », laissant la vie reprendre « sur cette terre brûlée, dans ces villes en ruine »… Saint-John Perse affirmait que « par son adhésion totale à ce qui est, le poète tient pour nous liaison avec la permanence et l’unité de l’Être. Et sa leçon est d’optimisme. Une même loi d’harmonie régit pour lui le monde entier des choses ». Le Clézio illustre parfaitement cette idée quand il écrit : « Le monde est un, pense Andréa, et elle se surprend à sourire, comme si cette évidence à peine vaniteuse signifiait vraiment quelque chose… » Et, plus loin : « Les écrivains n’écrivent pas pour qu’on garde leurs livres. Même s’il ne reste que quelques mots, un bout de phrase, un nom (…), il y a de quoi espérer ! » Inattendues, originales, admirablement ciselées, ces nouvelles sont avant tout des leçons d’espérance !


 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
Histoire du pied et autres fantaisies de JMG Le Clézio, Gallimard, 2011, 352 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166