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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le courage de dire tout haut


Par Jabbour DOUAIHY
2009 - 01
Avec une menotte accrochée à la première lettre du titre, la nouvelle revue trimestrielle Jasad, dont le premier numéro est paru récemment à Beyrouth, donne le ton. L’intention devrait pourtant paraître louable de promouvoir la culture du corps dans le paysage éditorial arabe, et l’entreprise ne manque certainement pas d’audace par les temps qui courent dans l’espace arabo-musulman, destinataire principal du produit. D’ailleurs, rien d’anonyme dans les signatures, des écrivains, poètes et peintres confirmés dans leurs talents et leur renommée sont appelés à contribution par l’initiatrice et la rédactrice en chef du projet, la poétesse et la critique littéraire Joumana Haddad. Bien sûr, ce « corps » étalé, cette focalisation sur des thèmes comme le fétichisme du pied féminin comme « clé du désir », l’homosexualité ou même le cannibalisme ne manqueront pas d’être taxés de provocateurs. D’ailleurs, les attaques n’ont pas tardé, surtout que la présentation joue sur la corde raide entre l’étalage racoleur (des titres assez prometteurs en couverture comme « J’apprendrai aux femmes à faire l’amour, a dit Linda », ou « Éloge du vice solitaire » selon l’inévitable Catherine Millet) et l’approche culturelle et artistique enrichie d’illustrations, photographies et tableaux de maîtres. L’ambition de Joumana Haddad, telle qu’elle l’exprime sobrement dans son éditorial, est de combler un vide, celui du corps « absent de notre vie, notre culture et notre langue arabes ». Sa présence y est « éhontée, défigurée, condamnable ou dépréciée alors que ce corps est tout ». Pour les sujets inédits, citons « La vie secrète des sous-vêtements en Syrie », une première traduction en arabe d’extraits de La mécanique des femmes de Calaferte ou une présentation des photographies de Ionas. Des textes plus authentiques sont signés par Taher ben Jelloun, Abbas Beydoun, Paul Chaoul, Akl Aouit, Ibrahim Ferghali, Abdo Wazen, Mahmoud Soueid et d’autres où les Libanais sont vraisemblablement en surnombre. Des femmes prennent aussi la plume : Fadwa Kassem (« Mes deux seins »), Sabah Zouein (« Dans les plaines de la nudité ») ou Dana Ghali (« Mes lèvres gonflées »)… Gageons que Jasad fera des vagues et devra affronter plus d’une censure tatillonne dans les pays arabes. Elle fera pourtant date dans l’émancipation du discours arabe. L’idée ne manque guère de courage, croisons les doigts pour l’accueil qui lui sera réservé.

 
 
 
2020-04 / NUMÉRO 166