2010 - 08
Lorsqu’elle s’avance, alourdie de ballots divers, vers la piscine de son
club privé BCBG, sous le soleil impitoyable du mois d’août, on dirait
un général s’apprêtant à livrer bataille.
Il s’agit d’abord de rester en équilibre sur les mules vertigineuses en
plastique fluo qu’elle vient de s’acheter et qui, malgré les promesses
fallacieuses du vendeur, ne se sont nullement « élargies » à l’usage. Il
s’agit ensuite de retenir d’une main son immense chapeau de paille quiÂ
risque de s’envoler à tout moment, tout en étalant de l’autre la
serviette et le coussin en éponge sur une chaise-longue bancale et en
ouvrant un parasol qui menace de s’effondrer en lui pinçant cruellement
les doigts.
Se tartiner de crème solaire sans confondre l’écran total pour le
visage, l’accélérateur de bronzage pour le corps, la lotion capillaire
spécial plage et le baume après-soleil apaisant relève d’un autre
prodige. Et puis, ne pas s’affaler sur son transat, toutes les
rédactrices des rubriques beauté des magazines féminins l’ont dit, mais
plutôt bomber le buste, rentrer le ventre, gommer les hanches et relever
le plus élégamment possible les gambettes, et surtout, surtout, ne pas
oublier d’avoir toujours l’air « naturelle ».
Le temps de s’affubler de lunettes énormes que ne renierait pas une star
de Hollywood désireuse de passer incognito, de baisser les bretelles du
maillot pour éviter les vilaines marques blanches, de lire la rubrique
mondaine de Superficiel et de siroter mélancoliquement une boisson light
tout en lorgnant avec envie des préados anorexiques qui dévorent
joyeusement de grosses frites arrosées de tonnes de ketchup, et il est
déjà temps d’aller chez le coiffeur. Car la choucroute savamment
écroulée qui lui sert de coiffure « sport », quoique nullement mouillée –
il n’a jamais été question de nager à la plage –, aurait besoin d’un
sérieux « coup de peigne ».
Elle se lève, vaguement soulagée.
La plage quand même, quelle détente...