Certains ont pour plombier virtuel Mario. Vous, vous avez dans votre vie Roro, un plombier bien réel, quoique disparaissant mystérieusement dès que l’évier est bouché. Quand vous l’appelez au secours, il vous répond immanquablement, d’une voix feutrée, qu’il est « chez le Ministre à Rabieh ». Cela devrait vous impressionner et vous faire patienter. Mais vous avez une mauvaise nature. Et, pour tout dire, vous vous fichez du fantomatique ministre et de ses problèmes de plomberie. Vous harcelez tant et si bien Roro qu’il finit par débarquer chez vous à 11 heures du soir. Il s’affale dans la cuisine où il commence pas dévorer la moitié du gâteau au chocolat que vous aviez amoureusement préparé pour votre cher époux. Enfin rassasié, il jette un vague coup d’œil à votre évier et décrète qu’il faut changer « tout le système ». Inquiète, vous demandez ce que ça va coûter. Car Roro est un adepte du « prix fixe ». Avec lui, tout est à 100 dollars. Même la plus petite rondelle en plastique.

Vous protestez faiblement. Il menace de s’en aller. Dire qu’il a abandonné « le Ministre » pour venir chez votre misérable personne. Vous le suppliez. Vous n’avez jamais supplié aucun de vos amoureux comme ça. Magnanime, il consent enfin à vous apporter « la pièce ». Bien entendu, elle est introuvable. C’est un « modèle » qui n’existe plus. Il devra chercher pendant des jours et faire tous les quincaillers de Bourj Hammoud. Vous compatissez avec chaleur.

Vous ne comprenez pas comment dix minutes après, Roro a trouvé « la pièce ». Vous soupçonnez qu’il en a des tas dans sa voiture. Qu’il facture à 100 dollars la pièce. Et que vous payez rubis sur l’ongle. Vous lui offrez même un gros morceau de gâteau pour le trajet de retour.