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Le clin d'Å“il de Nada Nassar-Chaoul
WhatsApp Group


2017 - 09
Avant l’invention maléfique du portable, lorsqu’une amie voulait vous inviter à dîner, elle vous appelait gentiment, deux ou trois semaines à l’avance, pour vous demander, selon la formule consacrée, « si vous étiez libres – avec Monsieur bien sûr – pour venir chez elle à telle date ». Vous répondiez toujours immédiatement « oui ». Il faut l’avouer, vous adorez être invitée (avis aux amateurs…). À quoi ? Et bien, pratiquement à tout : du barbecue dans un coin de montagne improbable au brunch de charité avec loterie de votre paroisse en passant par le mariage bobo dans le Lubéron et même l’humble petit café avec biscuits de la voisine. Oui, oui, toujours oui, au grand dam de votre cher époux qui aurait préféré, à cette vie mondaine trépidante, la lecture de son cher Monde au calme dans son bureau. Toujours est-il que, munis du cadeau d’usage, vous vous rendiez à la date dite chez vos amis où vous attendaient un dîner succulent et des conversations palpitantes. Bref, une soirée absolument délicieuse.

Aujourd’hui, le moindre petit projet de sortie entre amies se transforme en épreuve de force pour cause de WhatsApp Group. Cela commence de manière anodine par la copine qui crée un groupe innocemment intitulé « Dîner du mardi soir ». Immédiatement, la copine n°2 s’insurge : « Pourquoi mardi soir ? Je préfère jeudi parce que mardi je fais du sport. » Ce à quoi la copine n°3 répond vertement qu’elle n’a qu’à ne pas aller au sport ce soir-là. Ce qui sous-entend (tout le monde l’aura compris) que, au vu de son tour de taille, une séance de sport de plus ou de moins ne changera pas grand-chose. 

La plus gentille du groupe, Casque Bleu en jupons, s’interpose immédiatement pour éviter que cela ne dégénère et propose de transformer le dîner en déjeuner. Protestations véhémentes de la copine cadre qui a justement un rapport urgentissime à rendre ce jour-là à 13h et qui s’étonne qu’en 2017 « certaines soient assez oisives pour perdre deux heures à une rencontre de femmes ». C’est alors que de New-York, la copine expatriée depuis 1975 réapparaît miraculeusement pour supplier qu’on attende son arrivée le 18. Tollé général : le 18, il y a le mariage tant attendu des Abou-Machin auquel toute la ville est conviée. D’ailleurs, il aura lieu où ce dîner ? Certaines proposent Beyrouth. En plein mois d’août ? Il fait trop chaud. À la montagne ? Trop loin avec les embouteillages. Et une journée de plage pour changer ? La ronde reprend. Jiyeh ou Batroun ?

Votre portable couine tellement que vous décidez de l’éteindre. Vous avez un cours à préparer.

Finalement, vous ne dînez plus jamais avec vos amies.
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166