FEUILLETER UN AUTRE NUMÉRO
Mois
Année

2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
CHERCHER SUR LE SITE
 
ILS / ELLES
 
LIVRES
 
IMAGES
 
Au fil des jours...
 
Le clin d'Å“il de Nada Nassar-Chaoul
Ces dames de l’Association


2019 - 04
En France, le travail « associatif et solidaire » comme ils disent, consiste pour des femmes aux traits rudes, aux cheveux coupés ras et aux ongles au carré dénués de tout vernis, habillées d’un pull informe et d’un anorak jaune et chaussées de solides godillots d’ouvrier du bâtiment, à servir de la soupe et du pain à des SDF dépenaillés, une bouteille de gros rouge dans la poche. Parfois, dans un local lugubre au sous-sol, elles distribuent, l’air harassé, des boîtes de conserve et des sacs de riz à des mères de famille nombreuse aussi exténuées qu’elles, qui ont attendu des heures sous la pluie, en une longue file grisâtre.

Chez nous, l’efficacité caritative est nettement plus glamour. Pour la financer, ces dames (aux chapeaux verts ?) – comme les appelait votre maman qui en faisait partie – organisent des brunchs à tomber dans les endroits les plus en vue, rivalisant d’élégance et d’opulence. C’est ainsi que l’on voit arriver pour cet événement charitable qui sera (heureusement) couvert par la revue mondaine locale Futilités, des voitures rutilantes avec chauffeur dont débarquent, parées de tenues dernier cri et de bijoux scintillants, des femmes au brushing blond impec, perchées sur des talons vertigineux, dignes des catwalks des plus grands couturiers.

Couvert par le brouhaha assourdissant des bavardages de ces dames, ravies de retrouver leurs copines, le discours monocorde de la pauvre présidente de l’Association, une dame rondelette d’âge mûr qui ânonne les réalisations louables de l’année écoulée, peine à se faire entendre. C’est que, oublieuses de toute diète et des privations du Carême, les convives s’adonnent aux joies de la table… et des pâtisseries de toutes sortes couvertes d’épaisses couches de crèmes irrésistibles.

Ne vous y trompez pas ! Nos associations à nous qui portent des noms joliment désuets comme « Les dames de la paroisse de Sainte-Barbe » ou carrément « L’Union de bienfaisance du Sacré-Cœur de Jésus » ne sont pas moins efficaces que leurs consœurs françaises. Tout le monde le sait, elles font un travail formidable sur le terrain et soutiennent bien des familles nécessiteuses. 

Simplement, à la libanaise, avec gaieté… et glamour.
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166