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Bande dessinée
Silence et contemplation


Par Zeina BASSIL
2013 - 05
Ouvrir les yeux. Observer la valse d’une feuille jaunie qui tombe d’un arbre, d’un oiseau dont la forme se découpe dans le ciel, suivre la trajectoire de l’écureuil dans sa course. Voilà, entre autres, ce que nous suggère Jon McNaught dans son Automne.

Le matin, un jeune homme prend le bus, et s’arrête devant Elmview, une maison de retraite. Il y travaille comme commis et sert les repas aux résidents. Le soir, un jeune collégien fait sa ronde de distribution de journaux après les cours. Ce qui ressemble à un très bref synopsis est en fait l’histoire intégrale du roman graphique Automne de Jon McNaught. Sa couverture est minutieusement dessinée avec des motifs de feuilles d’automne rougies parmi lesquels se perd un écureuil. Qu’est-ce qui fait que cet ouvrage à la trame narrative plus que ténue ait discrètement raflé le prix de la Révélation 2013 au festival Angoulême??

La magie opère à l’ouverture du livre. Les pages sont divisées en un gaufrier régulier sur-découpant un quotidien d’automne, qui invite au calme, à la contemplation et à l’écoute de la nature changeante à travers deux personnages ordinaires. La simplicité du scénario qui suit ces deux jeunes hommes dans la lenteur de leurs mouvements est en résonance avec la ville et la nature. Elle donne une puissance à l’ouvrage qui ne raconte pas une action vécue, mais plutôt une vie de petits riens. Le lecteur est entraîné dans une ambiance de méditation et d’observation tout au long d’un récit sans héros, un récit dont il devient le personnage principal vivant un quotidien banal au cours d’une saison familière. 

Le dessin très graphique, rigoureux, détaillé et dénué de toute prétention s’inscrit dans des vignettes bien alignées. Débarrassées d’un encrage fort et d’un cerne délimitant les formes, les masses de couleurs sont franches et nuancées par des zones d’ombres et de lumières qui prennent position sur les objets, les véhicules, les bâtiments et les personnages. Avec un choix de palettes limité, les couleurs varient entre l’orangé, le rose et le bleu pour un rendu doux, curieux et élégant. Dans certains cas, Jon McNaught parvient même à mettre au point une image à couper le souffle en utilisant seulement les déclinaisons d’une seule couleur. 

L’usage des bulles est absent tout le long de la narration. Ce choix rend service au ton et au rythme établis par l’auteur. Tout dialogue est vain. Le but de ces planches est de savourer le silence en observant le monde. Toutefois, quelques sons de la nature, des machines et de la ville nous parviennent et renforcent la dimension contemplative de l’ouvrage.

Automne, par son style graphique et l’usage de cases miniatures, rappelle parfois les planches de l’Américain Chris Ware. On y décèle aussi une affiliation avec L’homme qui marche de Jiro Taniguchi, l’histoire d’un arpenteur qui apprécie la pluie, les jardins, un bain, les lumières de la nuit...

C’est donc un retour aux choses simples de la vie que nous propose, une fois de plus, Jon McNaught, jeune auteur anglais né en 1985, dont les précédentes œuvres, Dimanche et Pebble Island, étaient déjà des histoires muettes et contemplatives. On serait tenté de comprendre ce penchant comme la réminiscence d’une jeunesse passée aux îles malouines, confins sud-atlantique de l’Empire britannique où, assurément, silence et contemplation font bon ménage.


 
 
 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Automne (Dockwood) de Jon McNaught, illustrations en couleur, 27,2 x 20 cm, Nobrow, 64 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166