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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Bande dessinée
Guerres sans vainqueurs ni mémoires


Par Alexandre MEDAWAR
2013 - 11
Comme son titre l’indique, Tout sera oublié, le dernier ouvrage de Mathias Enard (entretien dans L’OL d’octobre 2010) et de Pierre Marquès, ausculte la problématique de la mémoire. Ici, celle de l’histoire dramatique de la guerre en ex-Yougoslavie. « L’été 1991, les Serbes, les Bosniaques, les Croates commencent à se foutre sur la gueule, et vingt ans plus tard, on me demande d’imaginer un monument qui ne soit ni serbe, ni bosniaque, ni croate pour cette guerre oubliée plus que terminée. »

L’incursion de Mathias Enard, enseignant à l’Inalco, traducteur familier de l’arabe et auteur de plusieurs fictions dont Zone et Rue des voleurs (in L’OL de novembre 2012), dans le monde du roman graphique prend une forme plus proche du récit illustré que de la bande dessinée à proprement parler. Une phrase ou deux, parfois juste un mot, occupent le bas de chaque page. Le texte court et fragmenté, qui tient plus de la nouvelle, est à l’opposé de celui de Zone, écrit en une seule phrase étalée sur 500 pages. Une large place est donc faite aux illustrations photoréalistes de Pierre Marquès qui semble être la voix du récit. Marquès est peintre-plasticien, et on devine en filigrane qu’il est l’artiste invité à imaginer ce monument à la mémoire de la guerre.

Guidé dans son exploration de Sarajevo par Marina, l’artiste observe, soliloque, interroge, s’interroge, cherche des solutions, fait l’amour avec Marina, abandonne, va en Pologne, passe par Belgrade et revient à Sarajevo sans être plus avancé dans son travail de commande. La mémoire, pense-t-il, devrait être l’affaire de tous et non pas de l’artiste. Les murs de la ville pourraient être le support de cette mémoire collective, partagée. Mais la ville, on le sait si bien chez nous à Beyrouth, change sans cesse, se construit sur ses propres ruines, s’effondre une fois, deux fois, puis se reconstruit encore. Les âmes y passent, s’y rencontrent rarement et vaquent à d’autres affaires que celles de la mémoire. « Les corbeaux, les loups, les visages seront là un temps, la mémoire sera vivante... Jusqu’à ce que tout soit oublié... et qu’on passe à d’autres souvenirs. ».





 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
TOUT SERA OUBLIÉ de Mathias Enard et Pierre Marquès, Actes Sud BD, 2013, 140 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166