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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Bande dessinée
La magie du retour à la nature


Par Ralph Doumit
2019 - 07

C’est dans la lignée de son album La Légèreté, publié en 2016, et dans lequel elle cherchait le chemin d’un retour à une forme de sérénité après les attentats de Charlie Hebdo, où elle travailla pendant plus de dix ans, que Catherine Meurisse publie Les Grands Espaces.

 

Elle rend cette fois visite à la petite fille qu’elle était jadis. Nous sommes à cheval entre les années 80 et 90. Cette période marque un tournant dans la vie de sa petite famille. Âgée d’une dizaine d’années, elle suit ses parents décidés à quitter la ville et à élever leurs deux filles dans un environnement naturel en campagne. Les voilà rachetant les vestiges d’une ferme abandonnée et entamant sa remise à neuf à leur goût. Il y a, dans cette volonté de construire ce qui sera leur lieu de vie sur le long terme, l’idée de remodeler le quotidien à leur manière. D’installer des rituels. Comment aménager ce terrain vaste et vierge ? Entre organisation et improvisation, le processus suit doucement son cours. Pourquoi ne pas installer un portique, ici, en plein milieu des herbes ?

 

Deux maîtres à penser guident cette famille de fervents lecteurs : Marcel Proust et Pierre Lotti qui, comme le dit simplement le père : « (…) ont dit ce qu’on ressentait, mais en mieux ». Et d’ajouter : « Ils sont précieux. » Anecdote savoureuse : lorsque, tardivement, la famille découvre qu’un arbre qu’ils croyaient appartenir au terrain des voisins s’avère être en réalité sur le leur, ils le baptisent Swann. Aller chercher le repos à son ombre devient pour les enfants « aller du côté de chez Swann ».

 

À travers le récit de ces années d’enfance, Catherine Meurisse parle aussi de ce qui change et de ce qui reste. Il y a chez ses parents une volonté d’installer un mode de vie durable. La campagne, c’est le lieu des changements au quotidien, mais c’est surtout le lieu des « choses qui reviennent ». Si ses parents sont à l’âge de souhaiter cette permanence, Catherine est à celui des grands bouleversements et des découvertes qui façonnent, à commencer par une virée à la capitale, marquée par la visite du Louvre. Alors que ses camarades de classe s’engouffrent dans le trouble de la puberté qui les rend plus que jamais autocentrés, elle vit celui de la découverte des différentes manières qu’ont les artistes de traduire le monde et qui la projette au-delà d’elle-même. Dès lors, la nature qu’elle habite est vue d’un regard neuf, voire de milliers de regards. Le récit des Grands Espaces nous rappelle combien cette dialectique entre les racines terrestres et la vision qui élève est bienfaisante.

 

Forgé au dessin de presse, le trait de Catherine Meurisse est délicieux de drôlerie, d’attitudes bien vues posées en quelques sobres coups de crayons. Mais ce qui frappe également, c’est la manière dont elle enrobe ses personnages de décors aux textures riches, apaisantes, au trait amoureux et caressant. Ces végétations au crayon velouté, c’est une enveloppe d’amour qui enlace les personnages.

 

Car Catherine Meurisse raconte ce récit d’enfance avec un amour préalable à tout, comme hypothèse de base.

 

 

BIBLIOGRAPHIE  

Les Grands Espaces de Catherine Meurisse, Dargaud, 2018, 92 p. 

 
 
 
2020-04 / NUMÉRO 166