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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Par Ziad MAJED
2010 - 12

L’ancien président américain a décidé de prendre sa plume au lendemain de son départ de la Maison-Blanche pour raconter ses années de « Number One », et pour montrer aux Américains « non seulement qu’il sait lire, mais qu’il est même capable d’écrire un livre », comme a ironisé un chroniqueur du Los Angeles Times. Résultat un an et demi plus tard : un monologue de 498 pages présentant sans aucune analyse rigoureuse des enjeux politiques et économiques, des relations familiales et internationales, et surtout, des guerres et des tensions qui ont modelé le monde entre 2000 et 2008.

Ainsi, le 11-Septembre, la guerre en Afghanistan, l’invasion de l’Irak, l’ouragan Katrina, la crise financière, les coulisses du pouvoir à Washington, Guantanamo, la torture, le Liban, l’Iran, sa famille texane, sa foi chrétienne, les cellules souches, le sida, l’Afrique et l’immigration sont évoqués sans grande finesse. Bush étale sur les 14 chapitres sa version des événements et des débats majeurs qui y sont liés et qui ont dominé ses mandats.

Il cherche non seulement à se défendre (guerres en Afghanistan et en Irak, et conditions de détention à Guantanamo), mais aussi à se démarquer (sans pour autant se détacher) à plusieurs reprises du vice-président Dick Cheney et de son secrétaire à la défense Donald Rumsfeld et des conseillers « neocons » (tous souvent en opposition avec les deux secrétaires d’état Colin Powell puis Condi Rice). Dans ce sens, s’il ne regrette pas ses décisions irakiennes ou afghanes, et s’il considère que la torture des « terroristes » devait sauver des vies américaines, il laisse entendre qu’il était l’homme « le plus en colère sur terre » quand il a réalisé que les informations sur les armes irakiennes de destruction massive étaient « inexactes » et que les GI n’avaient rien trouvé « sur place ». Mais « le monde est quand même meilleur sans Saddam », rebondit-il pour se dédouaner.

Ce n’est que par rapport à « Katrina » qu’on retrouve le seul véritable mea culpa de l’ancien président dans ses Mémoires. Il reconnaît avoir tardé à réagir, et avoir sous-estimé l’ampleur humanitaire, sociale et sanitaire de la catastrophe et de ses conséquences raciales.

Le Liban et la guerre de juillet 2006


Dans le chapitre intitulé « Freedom agenda », George Bush évoque son rôle dans deux importants développements que le Liban a connus en 2004 et 2006.
Le premier réside dans sa réponse positive à la demande du président français Jacques Chirac de faire pression commune sur la Syrie pour se retirer du Liban. Bien qu’à plusieurs reprises il ne cache pas son mépris à l’égard de Chirac (sa personne comme sa politique), il considère que le fruit de leur coopération (après la grande dispute irakienne) dans le cas libanais fut la résolution onusienne 1559, et se félicite du fait que leurs pressions de même que celle du peuple libanais suite à l’assassinat de Rafic Hariri ont obligé le régime de Damas à retirer ses troupes.
Le deuxième, c’est son soutien inconditionnel à Israël lors de la guerre de juillet 2006 avec le Hezbollah. Pas de surprise, mais quelques précisions intéressantes suivent : la performance militaire des Israéliens qu’il juge « décevante », le bombardement de Cana et les images horrifiantes des victimes civiles libanaises, le retournement de l’opinion internationale en faveur d’un cessez-le-feu, et la crainte de voir le gouvernement de Fouad Sinioura s’écrouler vu la violence du conflit l’ont poussé à trancher en faveur de Condi Rice qui voulait l’arrêt des hostilités et la reprise de la diplomatie (contre l’avis de Dick Cheney qui souhaitait donner tout le temps nécessaire aux Israéliens « pour finir leur boulot »). La résolution 1701 a par conséquent vu le jour, et Bush la qualifia de satisfaisante vu qu’Israël, le Liban et le Hezbollah l’avaient acceptée.
Deux choses à retenir de ce passage : Israël n’avait pas le dernier mot quand l’administration américaine exigeait une « fin des hostilités » ; et le Hezbollah était plus ou moins reconnu comme parti politique lors de la distinction que Bush établit entre sa branche armée qu’il qualifie de terroriste, et sa branche politique qu’il considère comme un « parti légitime ». Cela montre bien qu’un certain pragmatisme reprend le dessus même chez le président qui fut pendant son règne entouré d’idéologues et de guerriers dogmatiques...

Decision Points pourrait finalement être un récit des années 2000-2008 qui s’ajoute à d’autres. Cependant, il reste celui de quelqu’un qui a le plus influencé les événements du récit même, et qui aurait pu l’écrire différemment s’il avait su agir autrement dans ses « moments décisifs »…

 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Decision Points de George W. Bush, Virgin Books, 2010, 498 p.
 
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