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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Journal
L’Orient revisité


Par Thérèse DOUAIHY HATEM
2007 - 08


Voyages en Orient, journal de la comtesse de Perthuis, resta très longtemps inédit. Découvert par Fouad Debbas en 1990, il fut publié dans sa totalité par les éditions Dar an-Nahar en janvier 2007. À part la note de l’éditeur et les textes introductifs, cet ouvrage se divise en deux parties de densité égale correspondant aux deux voyages en Orient effectués par la comtesse de Perthuis, le premier entre les années 1853 et 1855, le second de 1860 à 1862. Lors de ses deux voyages, madame de Perthuis réside à Beyrouth où son fils Edmond, ancien officier de marine et ingénieur distingué, réalisait la route internationale qui relie Beyrouth à Damas. De Beyrouth, elle fait un pèlerinage en Terre Sainte, un voyage en Égypte, un court séjour à Damas et deux excursions dans des régions très limitées du Mont-Liban. Essentiellement narratif, orchestré dans un style léger et harmonieux, ce récit de voyage personnalisé et vivant se distingue par son authenticité et son charme, même après l’Itinéraire de Chateaubriand, le Voyage en Orient de Lamartine et l’extraordinaire floraison des relations de Voyage en Orient que connut le XIXe siècle. Madame de Perthuis, qui se rattache à la lignée des voyageurs artistes et lettrés qui visitèrent l’Orient au XIXe siècle, enrichit son récit de soixante-neuf dessins représentant des sites naturels, les villes qu’elle a visitées, les maisons… et quarante-trois photos de personnalités de la vie politique et publique. Avant George Rodier et Richard Cortambert, elle participe ainsi, par ses travaux artistiques aussi bien que par ses impressions écrites, à la diffusion de l’image de l’Orient.

Le récit de madame de Perthuis, qui doit sa valeur aussi au caractère sociopolitique et historique de ses pages, est loin des prétentions érudites, des digressions historiques ou géographiques, et aussi du cachet apologétique de la plupart des voyageurs français de l’époque.

Dans son Premier voyage en Orient, elle est sensible surtout au charme et à la grandeur de la nature, et les réanime par les descriptions les plus diverses, tels « l’aspect admirable de la rade de Beyrouth » ou « la campagne dans sa parure printanière ». Mais c’est le goût pour la couleur locale qui devait surtout attirer son attention sur les détails vestimentaires, les mœurs et usages en vigueur. Dès sa sortie du port, le saïs qui « porte une tunique blanche et un turban vert », les kawas « avec leurs beaux costumes et leurs cannes à boule d’argent » plongent d’emblée la voyageuse « en plein Orient ». À Beyrouth : danse du sabre sur la place du Sérail exécutée par des bachi-bouzouks, école d’enfants maronites qu’un prêtre tient en plein air sous un grand chêne, noces et réjouissances… Retenons surtout comment, en folkloriste soucieuse de pittoresque, la comtesse de Perthuis étale en éventail le tableau de la fête qu’elle donne chez elle : dames dans leurs beaux costumes qui « font tapisserie », cavalcades, montures précédées de porteurs de fanal ou de torche… Mouvement, couleur et lumière assurent à ce « ravissant spectacle sous un ciel magique » une impression lumineuse, un caractère remarquable.

Du dépouillement du texte du Journal du second voyage en Orient de Mme de Perthuis se dégage surtout l’intérêt politique que revêt le Mont-Liban projeté, notamment depuis 1860, dans un nouveau devenir historique, ouvert et lié plus qu’avant à l’Occident, et à ses influences politiques, culturelles et économiques. En effet, lorsqu’en 1860, la comtesse de Perthuis débarque à Beyrouth, le Mont-Liban était à feu et à sang. Elle observe de près les événements qui déchirent le pays, et étoffe ses observations et ses réflexions personnelles de témoignages vivants – ceux des fugitifs et des témoins oculaires. L’image du pays est sombre et tourmentée, très différente de l’image magnifiée que retraçaient les voyageurs de la première moitié du XIXe siècle. On lui doit des tableaux de détresse, des croquis vifs et alertes où l’authenticité des éléments fait la valeur des tableaux et rappelle les descriptions des récits de l’abbé Charles Lavigerie et d’Amédée de Damas.

Dans Voyages en Orient, journal de la comtesse de Perthuis, le lecteur glanera de curieuses informations qui constituent l’une des clés de la connaissance de la société orientale à cette époque. Il pourra aussi retrouver, parmi les thèmes entrelacés du récit, ceux qui touchent de près à une rétrospective sociopolitique et culturelle des peuples d’Orient, et nombre de références à des personnages et à des événements qui aident à la reconstitution de l’histoire du Liban au XIXe siècle.
 
 
L’image du pays est sombre et tourmentée, très différente de l’image magnifiée que retraçaient les voyageurs de la première moitié du XIXe siècle
 
BIBLIOGRAPHIE
Voyages en Orient de , journal de la comtesse de Perthuis, Dar an-Nahar 2007, 243 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166