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Biographie
Figures musicales du Liban


Par Georgia Makhlouf
2017 - 06

Poursuivant son engagement en faveur de la reconnaissance du patrimoine musical libanais, Zeina Saleh Kayali nous propose à présent les quatre premiers volumes d’une collection originale intitulée «?Figures musicales du Liban?», consacrés à Bechara el-Khoury, Naji Hakim, Zad Moultaka et Gabriel Yared.

Il faut saluer la parution de ce «?quatuor?» pour de multiples raisons. C’est une première, qui n’aurait pas été possible sans l’opiniâtreté de Myra Prince qui préside aux destinées des éditions Geuthner. Travaillant de façon étroite avec l’auteur, elles ont accompagné chacun des ouvrages d’une clé USB qui contient des enregistrements rares sinon introuvables et de grande qualité?; et c’est avec un immense plaisir que le lecteur peut simultanément suivre l’itinéraire du compositeur et écouter quelques-unes de ses créations. Qu’il s’agisse de L’Ouverture libanaise de Naji Hakim superbement interprétée par Nicolas Chevereau au piano, des chansons de Françoise Hardy ou des musiques créées à des fins publicitaires par le génial touche-à-tout Gabriel Yared, des Ruines de Beyrouth, sombre et somptueuse symphonie de Bechara el-Khoury ou des si singulières pièces de Zajal de Zad Moultaka interprétées par sa complice Fadia Tomb el-Hage, on est complètement sous le charme, avec le sentiment d’être face à des morceaux d’anthologie. Un vrai bonheur?!

Car ce qui s’invente ici, ce sont des biographies musicales où les événements de la vie des compositeurs sont lus à travers le prisme de ce qu’ils révèlent de leur goût inné pour la musique, de leur talent précoce, de la naissance de leur vocation, et des accidents de parcours qui ont retardé ou à l’inverse hâté leur prise de conscience et leur engagement. Car c’est bien d’engagement qu’il s’agit, et de foi, et de persévérance, et de doute et de traversées du désert parfois, tant il est vrai que pour ces quatre remarquables musiciens, rien n’a été donné facilement, chaque création a été une lutte, une conquête parfois douloureuse, mais aussi un bonheur et une certitude consolidée jour après jour.

On s’attachera ainsi à suivre leurs itinéraires, jamais linéaires et où les «?hasards?» ne sont jamais des hasards mais des portes qu’on a su ouvrir ou au contraire refermer. Leurs multiples sources d’inspiration sont évoquées ainsi que leurs maîtres, musiciens et/ou pédagogues, personnalités d’une haute densité intellectuelle ou spirituelle. Gabriel Yared évoque ainsi sa «?ravelite aigüe?», contractée à l’âge de 15 ans et qui se manifeste par un amour inconditionnel pour tout ce qui touche à Maurice Ravel. Pour Naji Hakim, c’est Olivier Messiaen qui aura beaucoup compté. Hakim lui succède comme organiste titulaire à l’église de la Trinité et crée une œuvre qui fera date?: Le Tombeau d’Olivier Messiaen. L’éditeur Gérald Hugon joue un rôle déterminant dans le parcours de Bechara el-Khoury. Il découvre, en écoutant sa musique, qu’il existe d’autres régions de la terre, «?hors de notre petite Europe occidentale, où existent des musiciens intéressants?». Zad Moultaka aborde, plus que les autres, ses périodes de doute et de souffrance?; elles sont pour lui des «?leçons de vie?». Ses rencontres avec Catherine Peillon qui dirige un label et devient sa conseillère artistique et avec Fadia Tomb el-Hage qui sera son inspiratrice et interprète privilégiée, sont les moments-clés de sa carrière. Mais c’est certainement la naissance de ses œuvres qui engagent un véritable dialogue musical entre Orient et Occident qui sont les chapitres les plus émouvants de l’ouvrage qui lui est consacré. La «?question d’Orient?» est d’ailleurs l’un des fils rouges de ces biographies, l’auteur s’attachant à repérer pour chacun des musiciens les influences mêlées des différents courants et héritages musicaux, orientaux et occidentaux. 

 
 
Figures musicales du Liban de Zeina Saleh Kayali, Geuthner, 2016?:
Bechara el-Khoury, 148 p.
Naji Hakim, 144 p. 
Zad Moultaka, 136 p.
Gabriel Yared, 174 p. 
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166