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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Evénement

C’est dans un espace de 40 000 m2 à la salle des expositions, Porte de Versailles, que la 36e édition du Salon du livre de Paris, rebaptisé « Livre Paris », a eu lieu entre les 17 et 20 mars. Avec plus de 40 pays représentés, dont la Corée du Sud, invitée d’honneur, « Livre Paris » est une tribune d’échanges culturels au moment où des barrières idéologiques s’érigent partout dans le monde.

Par Maya Khadra
2016 - 04
À l’entrée de la salle des expositions de Paris, des familles, des enfants impatients de décrocher les dernières parutions en bandes dessinées, des jeunes et des vieux s’empressent à entrer dans cette caverne d’Ali Baba littéraire en deux files indiennes interminables. Quelques professeurs du SNALC (Syndicat national des lycées et collèges), calicots en main et chapeaux coniques en forme de circonflexe, s’opposent à la réforme de l’orthographe et distribuent des tracts sur l’esplanade de la salle des expositions. Des visiteurs s’échangent des idées, leurs avis sur les livres qu’ils viennent d’acheter et se montrent avec fierté les dédicaces de leurs auteurs préférés souvent écrits à la hâte ; phrases bateaux qui les embarquent dans un état émotionnel presque euphorique. Puis, l’entrée au salon s’accompagne d’une entrée dans un monde d’enchantement. Les férus de littérature trouvent leur graal : 500 stands, 100 000 livres, 1200 éditeurs et 2500 auteurs sont au rendez-vous ! Les grandes maisons d’édition trônent dans leurs grands espaces imposants avec leurs productions classiques et leurs nouvelles parutions et d’autres, plus petites et atypiques parfois, les côtoient timidement en essayant de se frayer un chemin dans ce labyrinthe compétitif et de promouvoir leurs auteurs en herbe et réussissent tant bien que mal à attirer un nouveau lectorat. Des expositions uniques attirent et envoûtent rapidement les flâneurs dans ce grand espace dédié à la littérature à l’instar de celle dédiée aux 50 ans de poésie Gallimard. L’espace poétique créé entre quatre murs d’un blanc éblouissant est un bel hommage aux incontournables de la poésie : Louis Aragon, Francis Ponge, Yves Bonnefoy, Pablo Neruda, André Breton et la Libanaise Vénus Khoury-Ghata dont Les Mots étaient des loups (poèmes choisis) répond à son interrogation dialectique et rhétorique : « Comment pleurer dans une langue qui n’est pas la tienne/ Quel nom donner aux murs non imprégnés de ta sueur. » Des mots en vadrouille se sont baladés au salon à bord du camion des mots au grand bonheur des amoureux de la langue française. Dans un véritable studio d’enregistrement, une équipe de professionnels a aidé les passionnés de la langue de Molière à mettre en image des textes littéraires et à explorer la francophonie ; thème à l’honneur de la Semaine française de la francophonie 2016. Au grand dam des langues concurrentes, le français est plus que jamais une langue qui n’a de cesse d’évoluer. Christophe Chaillot, responsable du pôle Coopération éducative et linguistique à l’Institut français à Paris, fait le point sur l’état de la francophonie dans le monde en chiffres : « C’est une langue officielle au sein de 5 organisations mondiales, 6 organisations régionales africaines et 5 organisations régionales américaines », tout en mettant en garde contre la posture défensive, opposée à l’anglais ou autres langues, que pourraient prendre des promoteurs de cette langue et en soulignant l’importance d’une promotion de la langue française d’une manière offensive en montrant sa complémentarité avec d’autres langues dans des contextes de plus en plus plurilingues. Là où les tabous ont sévi, la langue française s’est imposée comme langue de liberté qui s’est substituée à la langue maternelle de nombreux auteurs qui ont voulu « créer, penser et inventer en français comme Amin Maalouf, Charif Majdalani, Georgia Makhlouf, Jonathan Littel, Andreï Makine, Anne Weber, Andei Vieru, Ying Chen, etc. », d’après M. Chaillot. L’Institut français, l’opérateur de l’action culturelle extérieure de la France, est le principal parrain de cette culture de la francophonie et de la promotion de la langue française. Principal partenaire du Prix international du jeune écrivain de langue française, il a accueilli sur son stand le jury et le lauréat de ce prix : Alex Noël. Anne du Parquet, responsable Salons et Manifestations à l’Institut français, met l’accent sur l’importance de promouvoir une nouvelle scène littéraire, de nouveaux talents, tout en rappelant que c’est l’un des objectifs de l’IF.

Un souffle d’Orient
 
L’Orient, quoique meurtri et déchiré par ses crises internes interminables, était présent au Salon du livre de Paris. Des auteurs, des romans et des essais nous rappellent la gloire d’antan de cette partie du monde qui a vu naître les lumières les plus humanistes et les ténèbres de l’obscurantisme. Simone Lafleuriel-Zakri, dans sa Botaniste de Damas, Syrie, berceau des civilisations et Mémoires d’un herboriste andalou parus aux éditions Alfabarre, transmet l’image d’un Orient où la culture et tous les échanges savants avaient le vent en poupe et où contrairement à ce que l’on pense, un monde paisible et un lieu de pèlerinage scientifique y prospéraient. Myriam Jamous, fille de feu Albert Jamous, émigré libanais juif et auteur de C’est ici ou la mer paru aux éditions Tamyras, dépeint l’image qu’elle s’est longtemps faite de Beyrouth et qui se reflète dans le roman de son père : « Ville du vivre-ensemble, sans fanatismes identitaires où il faisait bon vivre et où mes ancêtres se sont rendus pour prospérer. »

Pont jeté entre Orient et Occident, le Salon du livre est plus que jamais un acte de résistance culturelle face au danger galopant de la médiocrité culturelle et intellectuelle. « Sa programmation exigeante et ouverte à tous rappellera combien les livres, dans leur pluralité et quel que soit leur format, sont des écoles de liberté et de connaissance sur le monde et sur les hommes », affirme Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition et président du Salon du livre. 


 
 
 
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