Il y a des livres qui changent vos destinées. Tel fut mon cas, en apercevant un petit livre intitulé Lettre à un jeune poète sur le bureau du maestro Abdel Hak al-Masri, lors d'un cours de piano. J’avais 15 ans et j’aspirais déjà à devenir un grand pianiste (ce qui ne s’est malheureusement pas produit). Ce qui m’a intrigué dans ce livre, c’est qu'il ne concernait pas la musique, contrairement à tous les autres placés dans la bibliothèque du maestro, et qu’il était toujours à portée de sa main. Après avoir demandé sa permission, le maestro m’autorisa à le lire à condition que le livre ne sorte pas des lieux. Je suis revenu à plusieurs reprises durant une semaine pour pouvoir le finir, muni d’un dictionnaire de français. C’est là que j’ai découvert Rainer Maria Rilke, le grand écrivain et poète autrichien, qui correspondait avec un jeune homme inconnu qui se sentait obligé de lui répondre pour l'aider à trouver le bon chemin et un sens à sa vie. Cette lecture a renforcé en moi la volonté de réussir et la détermination de n’abandonner sous aucune influence le but qu’on s’est fixé. Rilke disait qu’il ne faut pas penser à une chose tous les jours pour l’obtenir, il suffit d’y croire profondément et de l’oublier au fin fond de soi : « Un jour tu diras “ce qui m’arrive”, non pas “ce que je désirais être”. » C’est exactement ce que j’ai fait, et je me rappelle qu’à 15 ans, j’ai fermé les yeux, et j’ai souhaité au plus profond de moi échapper à cette misérable condition, à cette guerre absurde, à ce destin maudit, et renaître ailleurs, loin, très loin…