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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Les maisons du bonheur


Par Georgia Makhlouf
2016 - 11
Ce livre parle de mémoire. Celle qui est tissée de mille souvenirs minuscules et dérisoires mais si incroyablement vivaces que leur seule évocation ramène sur le devant de la scène des pans entiers de vie, des scènes colorées, des émotions joyeuses, des chagrins enfouis. Tous les sens sont aux aguets, mais sans doute plus que d’autres, l’odorat ici prend le dessus. Ce sont des maisons qui sentent le chocolat, la cannelle ou l’orange, des mains parfumées à la vanille ou au safran, des torchons qui gardent longtemps des effluves de cardamome, de sumac ou de gingembre. 

Ce livre parle de transmission, de ces personnes célèbres ou anonymes, jeunes ou plus âgées, expertes ou novices, mais qui ont eu envie de partager avec des êtres chers des moments de bonheur, de ces bonheurs sans nuages, sans ombres, sans regrets, que l’on connaît autour d’une table, un matin de printemps, une soirée d’hiver, un après-midi d’été sous un chêne ou sur une terrasse ombragée. Ils sont si généreux et si indélébiles, ces bonheurs de la table, que l’envie de les perpétuer, de les multiplier, de les garder vivants est universellement partagée. Ce sont des recettes qu’on recopie, qu’on mémorise, qu’on diffuse, qu’on améliore au fil du temps ou qu’on respecte scrupuleusement, et qu’on raconte aussi, puisque chacune a son histoire et ses nuances. Mais ce qu’on y met excède largement une liste d’ingrédients et des temps de cuisson. 

Ce livre parle d’identité. Car derrière les recettes il y a des visages, des gestes, des savoir-faire, des patrimoines précieux et fragiles. Il y a des chemins de vie rectilignes ou courbes, lumineux avec parfois quelques zones d’ombre, des itinéraires avec leurs méandres, des voyages, des changements professionnels, des embranchements, des retournements. Qui laissent des traces matérielles dans les façons de faire, les influences, les métissages, les inventions. Les livres de recettes racontent ainsi comment les identités se construisent et deviennent mille-feuilles ou … quatre-quarts.
Ce livre parle aussi des mères. Oui, des mères le plus souvent, même si les pères y ont aussi leur place. Des mères qui enchantent les maisons, qui font de chaque retour une fête, de chaque occasion une célébration, de chaque rituel un moment d’éternité, dont le souvenir restera inscrit dans les papilles, mais aussi dans les oreilles, car les échanges ne sont jamais aussi intenses que lorsqu’on a la bouche pleine.

Ah, j’oubliais, ce livre parle aussi… de cuisine. Et Noha Baz a, en la matière, une expertise inégalée certes, mais aussi une façon si joyeuse d’en parler, un plaisir si évident à la partager, que son livre risque fort de devenir le livre de chevet de ses très nombreux lecteurs. À défaut de manger juste avant de dormir, tous les gourmands (et même les ascétiques) auront un égal plaisir à caresser les pages, à imaginer les saveurs, à anticiper leurs prochaines festivités. Et ce sera facile puisque tout est si bien expliqué et mis en image avec tant de justesse. Et ce sera une promesse de bonheur. 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
 
La recette d’où je viens de Noha Baz, L’Orient des Livres, 2016, 240 p. 

Noha Baz au Salon
Table ronde autour de La Recette d’où je viens le 7 novembre à 18h (Agora)/ Signature à 19h (L’Orient des Livres)
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166