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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Musée vivant


Par Antoine Boulad
2018 - 10


L’écriture investit des lieux publics. Des mots brisent le silence des lieux de mémoire. Des voix dans la bouche de l’histoire. Des statues funéraires, des sarcophages, des colosses, des masques, la mosaïque du Bon Pasteur, des Phéniciens en marche, des jarres d’or et des vitrines de lumière… Le Musée national s’anime par magie. Même l’épouse de Ponce Pilate prend la parole pour témoigner du Nazaréen, pour nous faire part de sa « honte » et raconter la halte dans un port phénicien et son périple jusqu’à Rome. Même le silence est un personnage de cet ouvrage collectif à nul autre pareil.

En partenariat avec Anne-Marie Maïla Afeiche, conservatrice, il s’agit d’un projet de Kitabat, association pour le développement des ateliers d’écriture au Liban, fondée par Georgia Makhlouf, sous la conduite de qui, treize écrivants (Randa Aractingi, Valérie Cachard, Hayat Chaker, Gabriel Deek, Leyla el-Fadl, Maria Fiani, Marie-Noelle Japy, Béatrice Khater, Joelle Kosremelli, Mona Krayem, Marie Laguarrigue, Nadine Mokdessi et Liliane Sweydane) ont pour ainsi dire dormi au musée après les heures de fermeture pour donner libre cours aux rêves de ces lieux.

Mais le projet avait également un autre volet ambitieux. Les textes ainsi produits ont donné lieu à une refonte dramaturgique. Valérie Cachard, créant des personnages, découpant tel texte pour le placer dans la bouche de gardiens (et de leurs ombres), de visiteuses et de guides, a donné des voix à ces écrits, a rendu au Musée ses échos. Suivons-la donc dans les vestibules, à l’étage et au sous-sol, dans les salles, et l’on entendra huit conversations qui disent : 
« Il avait touché les arêtes des nez, les boucles des cheveux, suivant avec son index les courbes sur la pierre. Puis, il s’était enroulé dans sa grosse parka vert militaire, serrant autour de son cou le cache-nez tricoté par sa grand-mère et s’était blotti entre deux de ces blocs blancs… Le trou du Bon Pasteur raconte la folie et la bêtise des hommes ». « Durant trois jours et trois longues nuits, on n’a entendu que le crépitement des flammes, les éclats des fioles irisés, les gémissements des poutres en bois… Le ruissellement de l’or qui fondait, lui, était sinistrement silencieux ». « Un matin, l’homme a écrit son premier poème d’amour en commençant par la lettre Aleph ». « Je suis l’homme de confiance/ J’observe tout mais feins l’indifférence/ Les tirs, les obus/ Les voleurs, les intrus/ Les cris, les corps, les morts/ M’ont rendu philosophe/ Sourd et muet. »

Les gravures de Hassan Zahreddine achèvent de donner à l’ouvrage sonore sa dimension visuelle.
 
 
 
BIBLIOGRAPHIE 
Les Voix sous la direction de Georgia Makhlouf, Kitabat, 2018, 55 p.
 

 
 
© Benjamin Colombel
 
2020-04 / NUMÉRO 166