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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le scénario est bien rodé, et même si les libraires assurent qu’ils croulent sous le poids des nouveautés, que l’avalanche déstabilise leurs rayons, les empêchant de donner leur chance aux nouveaux auteurs ou aux ouvrages plus difficiles, rien n’y fait. Dès le 21 août, les cartons seront là?!

Par Georgia MAKHLOUF
2008 - 08
Livres Hebdo, le magazine professionnel, annonce pourtant une «?rentrée prudente?» avec moins de titres cette année. Mais le chiffre reste quand même très élevé?: 676 romans entre août et octobre. Comparés aux 727 de 2007, la baisse est de plus de 7 % alors que l’on était habitué à une inflation galopante. Est-ce pour autant une situation raisonnable quand on sait qu’au début des années 80, on comptait environ 180 nouveautés à la rentrée??

Le cru 2008 s’annonce volontiers sombre (car les Français ont, dit-on, le moral en berne), provocant, voire trash, au dire des professionnels eux-mêmes.

Figure obligée de chaque rentrée ou presque, la très médiatique Christine Angot occupe déjà le devant de la scène avec Le marché des amants paru au Seuil. Le magazine Elle en a publié les bonnes feuilles, et tout Paris sait qu’elle y conte par le menu sa relation avec le non moins médiatique Doc Gynéco. Évidemment, c’est le type même de livre dont on peut tout savoir sans jamais l’avoir ouvert et de son côté. Si Angot est donc passée de Flammarion au Seuil, Catherine Millet - dont le Jour de souffrance sortira à la fin du mois - a fait le chemin inverse. Chacune des deux maisons d’édition pourra donc compter sur une star suffisamment sulfureuse pour faire monter les tirages. Régine Desforges s’invite aussi dans ce premier cercle avec un roman dont le titre n'est pas encore fixé et qui sortira chez Fayard. Amélie Nothomb reste, elle, chez Albin Michel. Moins sulfureuse, certes, mais avec sa régularité de métronome et sans doute un nouveau... chapeau. Le même éditeur publiera aussi Sylvie Germain (avec un beau titre?: L’inaperçu) et Alice Ferney qui fait avec Paradis conjugal une infidélité à Actes Sud.

Retour également de Jean-Paul Dubois à L’Olivier avec Les accommodements raisonnables dans lequel il retrouverait le souffle romanesque qui avait fait le succès d’Une vie française?; de Christian Oster chez Minuit avec une histoire dans la veine qu’on lui connaît, celle de Trois hommes seuls qui ne se connaissent pas et qui vont néanmoins passer ensemble leurs vacances?; ou de Jean Echenoz, toujours fidèle à Minuit et qui livrera en octobre un texte singulier intitulé Courir où il est question d’Émile, l’homme qui court le plus vite sur terre. C’est aussi en octobre qu’on retrouvera J.M.G.Le Clézio chez Gallimard.

Régis Jauffret qui avait obtenu le prix France Culture/Télérama pour ses Microfictions (ouvrage de plus de 1 000 pages qui fera l’objet d’une adaptation scénique et sera interprété par 100 comédiens pendant les 8 heures de «?La nuit blanche?» parisienne, le 8 octobre prochain) reste chez Gallimard avec Lacrimosa, texte plein de larmes qui met en scène un dialogue impossible entre un homme vivant et son amante morte, suicidée. Jauffret renoue ici avec le roman par lettres, sans renoncer à la tension permanente entre sarcasme et tristesse qui est sa marque de fabrique. La prestigieuse Collection Blanche proposera également Le silence de Mahomet de Salim Bachi sous la plume duquel Mahomet devient le personnage d’un roman qui se déploie entre La Mecque et Médine aux alentours de l’an 600 ap. J.-C. Notons encore chez le même éditeur une belle histoire d’amitié racontée par Marie Nimier dans Les inséparables, un roman familial de Benoît Duteurtre intitulé Les pieds dans l’eau, une histoire sombre d’avortements et de faiseuses d’anges chez Valentine Goby Qui touche à mon corps je le tue, et le très attendu Prolongations d’Alain Fleischer qui a pour héros un jeune interprète franco-hongrois dans un congrès européen dérisoire et grotesque qui se déroule à Kaliningrad.

Chez Grasset, on retrouve Olivier Poivre d’Arvor qui signe seul Le voyage du fils, un roman original qui prend pour point de départ un fait divers récent?: une Chinoise se défenestre pour échapper à une descente de police qui ne la visait même pas?; Elie Wiesel avec Le cas Sonderberg, l’histoire d’un journaliste new-yorkais à qui l’on demande un jour de couvrir le procès d’un jeune Allemand résidant aux USA, procès qui déclenche en lui de puissants échos?; Michel Le Bris (à qui l’on doit le festival «?Étonnants voyageurs?» à Saint-Malo) qui fait dans La beauté du monde le récit d’un troublant face-à-face entre une certaine Winnie chargée d’écrire les mémoires d’un couple de stars de l’aventure des années 1920, et Osa, veuve désormais?; Jean-Paul Enthoven qui imagine dans Ce que nous avons de meilleur une intrigue éclatée autour d’un lieu unique, un certain palais de la Zahia, situé quelque part dans le Sud, en plein désert?; ou encore Yann Apperry, Christophe Bataille et Véronique Olmi. Stock publiera le nouveau Nina Bouraoui, mais semble désireux de faire beaucoup de bruit avec le premier livre de Pierre Bisiou Enculée annoncé comme «?un éloge de l’amour et de la sodomie?». Actes Sud a aussi ses habitués, dont Laurent Gaudé qui propose cet automne La porte des enfers. Mais on parle déjà de Zone de Matthias Enard, gros pavé de près de 600 pages?: par une nuit décisive, un voyageur lourd de secrets prend le train pour Rome, revisite son passé et convoque les fantômes de l’histoire. Chez Actes Sud également, Jeanne Benameur qui, dans Laver les Ombres, met en scène une mère et une fille qui acceptent enfin de briser les digues?; ou Eugène Durif qui dans Laisse les hommes pleurer fait le récit d’une parenthèse amicale de la maturité.

P.O.L publie le nouveau roman d’Atiq Rahimi écrit en français, Syngué Sabour. La pierre de patience. Drame à huis clos, c’est un texte revendicatif plaidant sans détours, bien qu’avec les armes de la fiction, pour que les femmes trouvent enfin leur place dans la société afghane.

Chez Fayard, on notera Émile l’Africain d’Émile Brami, roman de la haine de soi, ou Dessous, c’est l’enfer de Claire Castillon qui traite de la folie, non pas la folie diagnostiquée, mais celle qui semble s’accommoder discrètement de la vie normale en vous brûlant à petit feu. On citera également Vincent Ravalec qui, dans Héros, personnages et magiciens, convoque dans son salon ses personnages de roman préférés. Fantasme ou cauchemar??

Signalons enfin chez Hachette Littérature le nouveau livre de Faïza Guène, un des phénomènes littéraires de ces dernières années intitulé Les gens du Balto. Roman polyphonique, il donne la parole successivement à chacun des clients/suspects du bar le Balto à la suite du meurtre de son désagréable propriétaire, le tout se déroulant dans une petite ville de la banlieue parisienne. On nous promet une fresque sociale et «?une comédie déjantée?».

Lequel de ces romans se fera remarquer ou récoltera l’un des grands prix de la rentrée, Goncourt en tête?? Dans la mêlée, il y aura sans doute peu d’élus et nombre de romans condamnés à l’oubli. Les paris sont ouverts?!

 
 
© Nan Goldin
 
2020-04 / NUMÉRO 166