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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Au fil des jours...
 
Le clin d'Å“il de Nada Nassar-Chaoul
Dis bonjour à la dame !


2013 - 03
À un ami français qui s’étonnait un jour de ce que tous les Libanais disent « bonjour » et continuent leur phrase en arabe, je répondis le plus candidement du monde que « bonjour » n’était pas vraiment un mot français… 

Car non seulement nos compatriotes se sont appropriés ce mot, mais encore ils le chantonnent sur tous les tons, depuis l’exotique « bonjorno », déformation joyeuse du « buongiorno » italien, jusqu’à l’improbable « bonjoureyn », signe éclatant de la légendaire générosité libanaise en passant par les « bonjourak » et « bonjourik », personnalisation possessive affectueuse conjuguée au masculin et au féminin de ce mot du matin. En somme, tout sauf la banalité d’un « bonjour » tout bête !

Mais tout cela n’est rien à côté de mon épicier qui répond invariablement à mon « bonjour ! » matinal par un poétique « tous les jours ! ». C’est qu’on tient à ses rimes chez nous et qu’on n’oublie pas qu’on a étudié « chez-les-sœurs », gardiennes farouches de toute francophonie qui se respecte.

Il faut dire que chez nous, on est loin de la dictature française du « bonjour Monsieur, bonjour Madame », prélude obligé à toute question, fut-elle aussi banale que celle de demander l’heure ou son chemin. C’est ainsi qu’en pèlerinage à Lisieux, j’ai osé demander un jour à une paroissienne du coin où se trouvait la basilique, pour me voir répondre sur un ton acide : « En haut, à droite, et bonjour Madame ! » J’en fus mortifiée, d’autant plus que je croyais naïvement que tous les habitants de Lisieux étaient habités par la grâce de cette chère Thérèse. Visiblement, ma sainte préférée avait dû oublier sa compatriote dans sa distribution de pétales de rose…

Le culte du « bonjour » est d’ailleurs si omnipotent qu’on peut facilement, dans l’Hexagone, dire « bonjour » jusqu’à minuit, « bonsoir » ayant étrangement beaucoup moins de succès que son camarade du matin et vous valant généralement des coups d’œil appuyés et suspicieux. 

Il n’y a pas que les adultes pour être maussades quand il s’agit de dire bonjour. Qui n’a pas eu pitié du malheureux gosse qu’on traîne de force au salon pour « dire bonjour à la dame » qui s’empressera de l’étouffer sous ses baisers humides ?

Simple comme bonjour ? Allons donc !
 
 
 
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